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Chine. Dissidents, avions télécommandés et pigeons privés de Congrès

Pour assurer la sécurité de son Congrès, le Parti communiste chinois a mis en place une série de mesures kafkaïennes.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un policier chinois tente d'empêcher un photographe d'immortaliser la place Tiananmen (Pékin), le 8 novembre 2012. (MARK RALSTON / AFP)

CONGRES DU PC EN CHINE - Avions télécommandés, pigeons, balles de ping-pong, e-mails… A l'occasion du 18e Congrès du Parti communiste chinois, qui s'est ouvert jeudi 8 novembre à Pékin, les autorités ont redoublé d'inventivité et de paranoïa pour assurer la sécurité de cet événement majeur de la vie politique chinoise, organisé tous les cinq ans. Francetv info revient sur ces mesures parfois absurdes.

Les dissidents mis au vert

Comme à chaque événement d'ampleur ou anniversaire sensible, le Parti communiste s'est assuré qu'aucune voix discordante ne vienne troubler le déroulement du Congrès. Selon les calculs d'Amnesty International, 130 militants ont été arrêtés ou vu leur liberté de mouvement réduite depuis septembre. 

Les principales figures de la dissidence chinoise résidant à Pékin ont même été "invitées" par les autorités chinoises à passer quelques jours à la campagne, loin de la capitale. "J'ai été forcé de quitter Pékin avec mes parents, sous la surveillance de la police, le 25 octobre", raconte au Christian Science Monitor (article en anglais) l'activiste antisida Hu Jia. Actuellement dans sa province natale de l'Anhui, il ne sera pas autorisé à rejoindre son domicile pékinois, où il est d'ordinaire assigné à résidence, avant le 20 novembre.

Son cas est loin d'être isolé. Jointe par Le Monde, la journaliste et intellectuelle Dai Qing a témoigné de l'incongruité de la situation. "La police est juste à côté de moi. Je suis en randonnée à la montagne et ils m'accompagnent", a-t-elle confié, ajoutant qu'elle n'avait pas le droit d'être interviewée. La blogueuse tibétaine Tsering Woeser se trouve elle à Lhassa, comme le raconte son mari dans une tribune au New York Times (article en anglais).

L'activisme politique ou associatif n'est pas la seule cible de ce tour de vis sécuritaire. Selon l'ONG Li Dan, la moitié des prostituées de la capitale ont été arrêtées ou conduites à l'extérieure de la ville, rapporte le New York Times.

Les taxis priés d'activer la sécurité enfant

Les chauffeurs de taxi ont été invités à désactiver ou démonter la manivelle de leurs fenêtres arrière. (ANDY WONG / AP / SIPA)

Les chauffeurs de taxi ont eux aussi reçu leur lot de consignes à l'approche du Congrès. Dans une note mise en ligne par le site spécialisé China Digital Times (en anglais), il leur est demandé, lorsqu'ils prennent en charge un passager, de bloquer les portes arrière en activant la sécurité enfant et de condamner les fenêtres en retirant la manivelle, comme le montre la photo ci-dessus, afin de prévenir toute distribution de tracts politiques.

Ils doivent aussi se méfier des clients qui transportent des ballons ou des balles de ping-pong, qui pourraient comporter des messages sensibles. Durant le trajet, ils doivent également éviter de circuler à proximité de la place Tiananmen, où se trouve le palais de l'Assemblée du peuple, qui accueille le Congrès. Une fois le passager descendu, ils doivent enfin vérifier que ce dernier n'a pas laissé de messages sur la banquette arrière.

Internet verrouillé

En temps normal, les Chinois disposent d'un accès à internet limité, avec certains sites (Twitter, Facebook, Youtube…) et sujets (Tibet, Falun Gong…) bloqués. A l'approche du Congrès, le mécanisme de contrôle du web, surnommé "le grand firewall de Chine", passe à la vitesse supérieure.

Le fonctionnement de certains sites, comme la messagerie Gmail ou le service de téléphonie Skype est perturbé, rapporte The Economist (article en anglais). Le site spécialisé Tech in Asia (en anglais) a fait un sondage auprès de ses utilisateurs, qui signalent des difficultés dans l'accès aux sites étrangers et aux services de Google.

Même les VPN, ces réseaux privés virtuels dont se servent les expatriés et les hommes d'affaires chinois pour accéder librement à internet, connaissent des coupures, alors qu'ils sont d'ordinaire tolérés. "Le gouvernement chinois nous rappelle une fois de plus qu'ils ont au bout du compte le contrôle de leur réseau, et les coupures se multiplient à l'approche d'un événement politique", explique au Wall Street Journal (article en anglais) un porte-parole de Witopia, une entreprise qui propose un VPN payant, qualifiant le dysfonctionnement actuel d'"un des plus lourds" observé en huit ans.

Toutes ces mesures accentuent un peu plus la paranoïa des journalistes et observateurs présents à Pékin pour le Congrès. Au moment de la cérémonie d'ouverture, plusieurs ont signalé une tentative de piratage de leur compte Twitter, relaye le Wall Street JournalMais, après vérification, six utilisateurs français sans aucun lien particulier avec la Chine ont signalé un problème identique à francetv info.

Les pigeons interdits de vol

Comme cette femme, de nombreux Pékinois élevent des pigeons sur le toit de leur maison ou de leur immeuble. (BARRY HUANG / REUTERS)

Dans ce pays colombophile, la mesure est loin d'être anecdotique. Les propriétaires de pigeons ont été priés, une semaine avant l'événement, de laisser leurs volatiles à la maison pendant toute la durée du Congrès. "Il y a des restrictions supplémentaires en ce moment, nous ne sommes pas censés laisser voler nos pigeons", explique un retraité pékinois à Reuters (article en anglais). "C'est comme ça à chaque fois qu'il y a un Congrès, je suis habitué maintenant", poursuit-il.

L'association des pigeons voyageurs de Pékin a même dû reporter deux courses qui devaient se tenir pendant la semaine du Congrès. Ce luxe de précautions n'est pas si infondé et absurde qu'on peut le penser à première vue : dans les années 1990, dans le sud du pays, des dissidents attachaient des slogans sur les pattes des pigeons, rappelle Reuters.

La vente d'avions télécommandés contrôlée

Photocopie, couteaux, ciseaux, tournevis… La liste des produits de consommation dont la vente a été suspendue ou soumise à la présentation de papiers d'identité en bonne et due forme est surprenante. Mais de toutes les précautions prises par la police chinoise à l'approche du Congrès, l'obligation pour les acheteurs d'avions ou d'hélicoptères télécommandés de présenter leur carte d'identité, révélée par le quotidien officiel Global Times (article en anglais), est sans aucun doute la mesure la plus inattendue.

Enfin, aucun événement ne viendra concurrencer le Congrès. Conférences, festivals de musique, matchs de football et projections de films en plein air ont été reportés jusqu'à nouvel ordre, rapporte le Guardian (article en anglais). Même le marathon de Pékin, un événement international prévu le 14 octobre, a été reporté.

Ironie de l'histoire, ce raidissement sécuritaire colle parfaitement avec le mot utilisé par les internautes sur Weibo, le réseau social chinois, pour parler du 18e Congrès du parti communiste. Très proche phonétiquement du terme officiel, Shibada (斯巴达) est le nom chinois de la ville antique de Sparte, réputée pour sa puissance militaire et ses mœurs rigides.

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