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Indonésie: les homosexuels sous la pression des pouvoirs politique et religieux

La légalisation du mariage gay dans de nombreux pays a soufflé sur les braises de l’homophobie en Indonésie. Attaques verbales, agressions et menaces contre les homosexuels se sont multipliées ces dernières semaines. Elles font suite aux pressions du gouvernement et des chefs religieux, ces derniers allant jusqu'à réclamer une criminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Photo prise le 27 janvier 2016 à Bandung (ouest), sur l'île indonésienne de Java: «Hommosexuels et lesbiennes interdits dans notre quartier», lit-on sur une banderole. (TIMUR MATAHARI / AFP)

La campagne de répression gouvernementale et religieuse à l'encontre de la «petite communauté homosexuelle de l'Indonésie conservatrice» est aussi «soudaine qu'inattendue».

A la demande du KPI, le Conseil de supérieur de l'audiovisuel indonésien, les autorités ont censuré plusieurs sites internet et émissions de télévisions promouvant les «pratiques LGBT» (lesbiens, gays, bisexuels, transgenres) et demandé aux opérateurs la suppression de tous les émoticônes et pictogrammes des messageries instantanées, en particulier ceux qui représentent des personnes de même sexe main dans la main ou avec le drapeau arc-en-ciel.


«Techniques de la guerre moderne»
«C'est dangereux car on ne peut pas voir qui sont nos ennemis. Mais tout le monde a subi tout d'un coup un lavage de cerveau» favorable aux gays, a déclaré le ministre de la Défense, Ryamizard Ryacudu, sur le site d'informations Tempo. La communauté gay représente une «menace» a insisté le ministre qui préconise, pour la combattre, d'employer les «techniques de la guerre moderne».

De leur côté, des responsables religieux ont dénoncé, le 18 février 2016, dans une déclaration conjointe, «le lobbying visant à légitimer et promouvoir l'homosexualité: des comportements inquiétants et contraires aux enseignements religieux et à la Constitution», rapporte le Jakarta Post, cité par le site Stop homophobie. Les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont non seulement «déviantes» mais anticonstitutionnelles, a insisté le conseil des oulémas d'Indonésie (le MUI), la plus haute instance de l'islam.

Descentes anti-gays de groupes ultras 
Le Front Pambela Islam (FPI), décrit comme un groupe défenseur de l'Islam, a procédé à des descentes anti-gays dans des pensions de la ville de Bandung. A Yogyakarta, dans le centre de l'île de Java, des extrémistes se sont rassemblés devant une école islamique connue pour accueillir des élèves transgenres avant de découvrir que ces derniers avaient déjà quitté les lieux.

Ces attaques venant des groupes les plus conservateurs inquiètent les associations de défense des homosexuels. «C'est de pire en pire. C'est devenu dangereux pour nous», a déclaré à l'AFP Ryan Korbarri, secrétaire général de Arus Pelangi, un collectif de sensibilisation aux droits des LGBT. Des militants de cette association disent se déplacer par deux, et rentrer chez eux en veillant chaque fois à emprunter des trajets différents. Une autre association, Suara Kita, a même décidé de fermer ses portes pour la première fois, en attendant un retour au calme.

Le silence du président Widodo 
Le président indonésien Joko Widodo doit «condamner de toute urgence les propos anti-LGBT des autorités avant que cette rhétorique n'ouvre la voie à des abus supplémentaires», a réagi l'ONG Human Rights Watch. Les promesses de Jokowi, son surnom, de défendre les minorités lui ont valu le soutien de la quasi totalité de la communauté LGBT, explique Teguh Iman, de Suara Kita. Un pari difficile dans une société à majorité musulmane (90%) dans un pays de 256 millions d'habitants, et de plus en plus islamisée.

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