L'Afghanistan en proie à une instabilité chronique
Les affrontements se multiplient entre insurgés et armée régulière en Afghanistan et l'embuscade qui a coûté la vie lundi à 10 soldats français à moins de 50 km de Kaboul est une illustration de la nouvelle stratégie d'encerclement de la capitale par les talibans, auparavant cantonnés dans leurs bastions du sud et de l'est de l'Afghanistan. D'après le conseil de Senlis, un groupe d'étude indépendant, les talibans multiplient leurs activités dans les provinces de Wardak et de Logar, à l'ouest et au sud de Kaboul, dans le cadre d'une "marche sur la capitale". "La stratégie d'encerclement de Kaboul a été développée de longue date et maintenant le gouvernement est incapable de l'empêcher. Il y a aussi de nombreuses attaques contre les convois logistiques", analyse Haroun Mir, du Centre de recherche et d'études politiques pour l'Afghanistan, faisant état d'une alliance entre talibans, al-Qaïda et le groupe de l'ancien chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar.
"Il y a deux groupes de talibans, le groupe central de commande et les talibans de terrain"
Mais qui sont ces insurgés ? Manuel Reinert, membre du groupe d'experts Senliscouncil, spécialisé dans les zones de conflits, apportait ce matin des éléments de réponse à cette question sur France Info. "Il y a deux groupes de talibans, le groupe central de commande qui est localisé pour l'essentiel au Pakistan et qui est formé d'Afghans mais aussi de groupes d'étrangers qui viennent du Proche-Orient, qui viennent de Tchétchénie, et qui viennent des réseaux Al-Quaïda. Mais il y a aussi les talibans "de terrain", ceux qui sont recrutés par centaine dans les camps de réfugiés improvisés qui se sont établies tout autour des capitales régionales dans le sud et qui sont un terrain de recrutement extrêmement facile. Ils (Les talibans) offrent 200, 100 dollars par mois à ces jeunes gens pour rejoindre leurs troupes. Des jeunes qui sont sans travail, qui sont souvent mécontents vis à vis de la présence des forces étrangères et vis à vis du gouvernement Karzaï. Donc la motivation idéologique est facile à trouver", analyse Manuel Reinert.
"La recrudescence de la violence est à attribuer directement à notre manque d'attention"
Le président afghan Hamid Karzaï, qui s'est vu reprocher à plusieurs reprises par le passé de ne pas avoir vaincu la corruption dans le pays, et de ne pas suffisamment asseoir l'autorité de l'Etat dans les zones isolées de l'Afghanistan, en proie à un regain de l'insurrection talibane, déplore un "manque d'attention". "La recrudescence de la violence est à attribuer directement à notre manque d'attention", a-t-il déclaré à la presse à la suite d'un entretien au palais présidentiel avec Nicolas Sarkozy. Et il a invité "les alliés et nous tous" à prêter attention "aux sanctuaires, aux centres d'entraînement et aux ressources financières des terroristes et des taliban". "Et à moins que nous n'y remédiions, nous continuerons à souffrir", a-t-il prévenu.
Une recrudescence de la violence à laquelle est également confrontée le Pakistan voisin, en proie à une vague d'attentats revendiqués ou attribués aux talibans ou aux membres d'al-Qaïda qui ont fait plus de 1.000 morts depuis janvier 2007. Les relations entre les deux pays sont tendues depuis que la coalition emmenée par les Etats-Unis a chassé les talibans du pouvoir à Kaboul fin 2001 puis installé au pouvoir Hamid Karzaï. Les autorités afghanes accusent Islamabad de ne pas faire suffisamment d'efforts pour empêcher des talibans afghans et des combattantsd'Al-Qaïda de pénétrer en Afghanistan. Islamabad estime de son côté que Kaboul et les forces internationales, incapables de vaincre les talibans en Afghanistan, sont à l'origine de leur repli en territoire pakistanais et des violences qui frappent le Pakistan.
Cécile Mimaut, avec agences
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