L'héroïne: le nouveau fléau du Pakistan
Entre deux camions sur une voie ferrée de Karachi, des adolescents se shootent au milieu des détritus. Le Pakistan est devenu «accro» à l'héroïne et l'épidémie de sida ne cesse d'y augmenter. Le pays est la plaque tournante de l'héroïne en provenance d'Afghanistan. L'Afghanistan produit 90% de l'héroïne mondiale et près de la moitié transite clandestinement par le port de Karachi avant d'être exportée en Europe et en Asie. Mais la drogue ne fait pas que passer au Pakistan. Celui-ci compte désormais près d'un million de consommateurs d'héroïne, dont près de la moitié par injection.
Shahazad Ali titube sur l'ancienne voie ferrée du quartier de Musa Colony où des jeunes ont pris l'habitude de se droguer : «Vous trouvez toute la drogue que vous voulez à Karachi». Près de lui, d'autres démunis fouillent à la recherche de tout ce qui pourrait être consommé ou revendu. Dans sa clinique mobile, Mohammed Imran distribue des seringues neuves aux drogués pour l'ONG Pakistan Société. Ancien junkie, il confesse : «Je ressens ce qu'ils ressentent, je comprends leurs problèmes». Mohammed est l'un des témoins directs de l'essor de l'héroïne, vendue ici entre 35 et 70 centimes d'euros. Une fraction de son prix en Occident.
«Les trafiquants sont payés en cash ou en drogue, qu'ils écoulent lorqu'ils ont besoin d'argent. L'héroïne est donc abondante et pas chère», explique Cesar Gudes, le chef de l'agence onususienne de lutte contre la drogue (UNODC). Echanges de seringues et sida : un cocktail explosif. Tarik Abbas, séropositif depuis 2 ans, traîne sa vie comme un fardeau dans les rues de Karachi. «Ma famille m'a abandonné, les gens ne veulent plus s'asseoir avec moi. Je voudrais me suicider mais c'est un péché dans l'islam». 30% des héroïnomanes sont séropositifs. Pour juguler ce chiffre, des ONG distribuent des seringues dans les quartiers pauvres de Karachi. «Au début, les gens disaient que nous faisions la promotion de la drogue mais ils ont compris depuis que les héroïnomanes trouvent toujours à avoir leur fixe», explique le Dr Mariza Atif.
La capitale pakistanaise est aussi devenue le lieu d'un nouveau chassé-croisé entre l'héroïne afghane et la cocaïne, importée d'Amérique du Sud. Deux drogues qui se croisent sur le port de Karachi. Les douanes sont impuissantes, elles ne possèdent qu'un seul chien renifleur et manquent de scanners géants capables de filtrer le contenu des 3000 conteneurs qui y transitent chaque jour. Hussein, un jeune cadre, confirme cette montée en puissance de la cocaïne : «Elle est définitivement à la mode, notamment chez les jeunes de 25 à 35 ans qui cherchent à s'évader. Il n'y a rien d'autre à faire (ici).»
«Depuis quelques années, la cocaïne a le vent en poupe chez les riches», selon un haut reponsable pakistanais de la lutte antidrogue. Les mirages de la cocaïne (70 euros le gramme) restent toutefois inaccessibles aux plus démunis. Une preuve de la barrière infranchissable entre classes sociales, dans un pays où chacun fuit des réalités opposées.
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