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Thaïlande: la mort de Tongdaeng, le chien du roi, fait la une des journaux

Alors qu'un homme est en prison pour s'être récemment moqué du royal canin sur Facebook, la mort de l'animal, âgé de 17 ans, fait les gros titres de la presse thaïlandaise. Tongdaeng était malade depuis plusieurs années et ne faisait plus d'apparition publique, mais on pouvait le voir, au pied du roi, sur les nombreux calendriers et affiches ornant boutiques, bureaux et foyers de Thaïlande.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le roi Bhumibol Adulyadej accompagné de son chien Thongdaeng, le 18 octobre 2012. (AFP/Bangkok Post photo/Patipat Janthong)

«Khun Tongdaeng s'est éteint paisiblement dans son sommeil au palais Klai Kangwon le 26 décembre à 23h10», annonce dans un communiqué, l'école vétérinaire de Kasetsart, qui était en charge de son traitement. Les grands journaux nationaux de Thaïlande, du Khaosod au Matichon en passant par le Thairath, ainsi que les journaux locaux, consacrent leur une à la mort du chien avec le plus grand respect, le Matichon précisant: «Le roi a déjà été informé.»


La loi de lèse-majesté concerne tous les membres de la famille royale, y compris ceux à 4 pattes 
On ne plaisante pas avec la monarchie en Thaïlande. Ce n'est pas Thanakorn Siripaiboon qui dira le contraire. Cet internaute, qui s'était moqué du chien royal sur Facebook et qui est incarcéré dans l'attente de son procès, encourt jusqu'à 37 ans de prison pour ce qui est considéré comme un crime de lèse-majesté au pays du Sourire. Une affaire qui montre à quel point la junte au pouvoir depuis le coup d'Etat de mai 2014 contrôle toute opposition, dans un contexte de grande inquiétude autour de la succession du roi, hospitalisé depuis des mois et considéré comme un demi-dieu.

L'accusé, lui, risquait gros en postant sur son mur un commentaire tournant en dérision le fameux chien, sauvé de la rue, lequel est investi d'un fort pouvoir symbolique. Tongdaeng a en effet été utilisé par le monarque, qui lui a même consacré un livre en 2002, pour diffuser ses conseils à la Nation. Il a aussi fait l'objet d'un film d'animation, à l'affiche depuis début décembre dans les cinémas thaïlandais pour les 88 ans du roi Bhumibol Adulyadej

La famille royale est protégée par une loi punissant le lèse-majesté qui a été considérablement élargie au cours des dernières années, en particulier sous l'impulsion de la junte ultra-royaliste au pouvoir. En 2014, un savant a même été accusé d'avoir insulté un roi mort il y a 400 ans. «Je ne pensais pas qu'ils utiliseraient la loi pour le chien royal. C'est absurde», a dénoncé l'avocat de l'accusé, Anon Numpa. 


Thanakorn Siripaiboon, l'ouvrier de l'industrie automobile de 27 ans accusé dans cette affaire, est sous le coup plusieurs accusations: lèse-majesté, non-respect de la loi informatique et pour avoir posté sur sa page Facebook une infographie expliquant les ramifications d'une affaire de corruption qui impliquerait de hauts gradés de l'armée dans le projet du parc Rajabhakti, dédié à la dernière dynastie des rois de Thaïlande.

Le journal Libération indiquait le 14 décembre 2015 «qu'une femme de 61 ans a été récemment emprisonnée pour avoir partagé des messages sur Facebook accusant l’armée de corruption dans cette affaire, et un autre homme a été arrêté (...) pour avoir lui aussi partagé l’infographie sur le parc Rajabhakti».

Des disparitions et des morts suspectes
L'ONG Human Rights Watch s'est montrée inquiète par l'incarcération du jeune homme dans un lieu gardé secret, «spécialement depuis que les autorités thaïlandaises ont échoué à résoudre les causes du décès de deux gardés à vue dans les geôles de l’armée», arrêtés eux aussi pour des crimes de lèse-majesté.

Le 5 décembre 2015: des sympathisants du roi Bhumibol Adulyadej chantent ses louanges pour son 88e anniversaire. Le monarque est alors hospitalisé à l'hôpital Siriraj.  (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)
Depuis son arrivée au pouvoir, l'armée thaïlandaise réprime sans relâche toute contestation. On ne compte plus les journalistes, universitaires, politiciens et étudiants envoyés dans les camps militaires pour les remettre au pas, indique le New York Times.

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