Attentat déjoué à New York : les méthodes du FBI en question
Quazi Mohammad Rezwanul Ahsan Nafis n'était pas un "radical ".
Tout au plus un musulman zélé, qui faisait ses prières "cinq fois par
jour ", et lisait "le Coran tous les jours ", si l'on en croit
la paisible famille de ce Bengladais de 21 ans, arrêté mercredi par le FBI
alors qu'il tentait de faire exploser une bombe de 450 kilos devant un bâtiment de la réserve
fédérale de New York, le bâtiment le plus surveillé du pays.
Après l'attentat raté, les questions
La tentative échoue, lamentablement : l'engin, fourni
par le FBI qui suit Nafis de près depuis des mois, est inoffensif. Personne n'a été mis en danger au cours de l'opération, assurent
les autorités, mais les premières interrogations sur le profil de l'apprenti-terroriste vont bon train.
Avec, en trame de fond, une question : et si le FBI
avait été un facilitateur un peu trop zélé ? Entendre par là : Nafis
serait-il vraiment passé à l'acte si les agents fédéraux ne l'y avaient pas
(-un peu trop-) poussé ? Le jeune homme aurait évoqué des "contacts " lorsqu'il
arrive aux Etats-Unis avec son oncle en janvier 2012. A priori une belle prise pour les fédéraux.
Pas le profil habituel du terroriste
Pourtant, Nafis n'a ni le profil ni l'historique des autres
terroristes djihadistes : visage doux, classe moyenne discrète, musulman zélé mais pas "radical ",
étudiant en génie électrique, aucun lien avéré avec Al Qaida. Et surtout parce
que depuis son arrivée sur le sol américain il pèche par une étonnante naïveté :
il tombe dans tous les pièges.
Le FBI en renfort
Déterminé à briller par un attentat sanglant, lorsqu'il
tente de créer une cellule terroriste, parmi ses recrues, il y a déjà un agent
du FBI. Qui l'aidera, des mois durant, à préparer le jour J. Effectivement,
Nafis a le verbe fleuri des martyrs de la cause : il déclare vouloir "détruire l'Amérique ", et ne s'arrêtera qu'au moment de la "victoire" ou du "martyre ".
En résumé, "quelque chose de très très très grès gros, qui va
secouer tout le pays, pour les musulmans, pour faire un pas de plus vers notre
domination du monde entier ". Dont acte.
Hésitations
Pourtant, Nafis est quand même un peu hésitant. "Ce
que je veux faire, ce que je suis en train de faire, je le fais sous le nom
d'Al Qaida, non ? ", se demande-t-il dans un enregistrement. On a
connu des fanatismes plus déterminés. Un mois plus tôt, il avait confié à son
faux-frère de compère que s'il était bien "prêt à se faire tuer lors de son
attaque ", il aurait toutefois bien voulu "rentrer au Bangladesh
pour revoir sa famille une dernière fois et remettre ses affaires en ordre ".
Panique côté FBI, qui, par peur de voir le poisson filer à l'anglaise, lui
propose un séduisant compromis : déclencher le mécanisme à distance,
pour pouvoir mener d'autres attaques par la suite.
On connait la suite : Nafis appuie sur les touches de son télephone pour faire sauter une bombe désamorcée, on coince le dangereux terroriste, personne n'est blessé, l'Amérique a encore une fois eu chaud. Trop beau pour être vrai ? Créer le crime pour éviter le crime, murmure-t-on, est-ce bien la bonne méthode ?
Prison à vie
De là à accuser le FBI de l'avoir un peu pressé dans des
sentiers qu'il n'aurait jamais pris seul, il y a un pas : les
autorités américaines soulignent la réalité de la menace terroriste qui plane
sur la Grande Pomme et l'importance des infiltrations pour démonter ce genre
d'opérations, lesquelles lui ont déjà permis d'empêcher un "attentat"
similaire tenté contre le Capitole. Là encore, les explosifs fournis par le FBI
avaient été rendus inutilisables. Jeune paumé ou graine de djihadiste, Nafis,
lui, sera poursuivi pour tentative d'utilisation d'arme de destruction massive et
soutien matériel à une organisation terroriste. Il ne plaidera pas coupable
mais risque la prison à vie.
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