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Brésil : peut-on comparer l'attaque du 8 janvier à Brasilia à celle du Capitole américain ?

Article rédigé par franceinfo
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Comme ceux de Donald Trump, les partisans de Jair Bolsonaro considèrent que l'élection présidentielle a été truquée. (SAMUEL CORUM / GETTY IMAGES / SERGIO LIMA / AFP)
Des manifestants s'en sont pris à des bâtiments de pouvoir dans la capitale brésilienne, un assaut qui rappelle celui des partisans de Donald Trump il y a deux ans.

"Terroristes", "fascistes", "putschistes" : le gouvernement brésilien n'a pas eu de mots assez durs pour qualifier les émeutiers responsables de l'attaque de trois lieux de pouvoir à Brasilia (Brésil). Une manifestation d'opposition qui dégénère, des symboles vandalisés, au sortir d'une élection présidentielle dont le résultat est contesté par une partie des électeurs... Les évènements qui ont secoué le Brésil, dimanche 8 janvier, rappellent curieusement l'attaque du Capitole américain par des militants pro-Trump, le 6 janvier 2021. Climat politique, nature de l'attaque, réactions, conséquences... Franceinfo replace ces deux assauts dans leur contexte.

Un contexte post-élection similaire

Au Brésil ces dernières semaines, comme aux Etats-Unis il y a deux ans, une partie des soutiens du président sortant ne reconnaît pas le résultat de l'élection qui a vu perdre leur candidat. A Washington, le 6 janvier 2021, les manifestants agitaient des drapeaux à la gloire du républicain Donald Trump, qui répétait alors (et il continue à le faire) que le scrutin avait été manipulé par le camp démocrate.

Comme l'ex-président américain, Jair Bolsonaro a multiplié les déclarations de défiance à l'égard du scrutin qui a vu Lula revenir au pouvoir, et n'a pas non plus souhaité être présent à la cérémonie d'investiture de son successeur. Autre point commun entre ces électorats brésilien et américain : ils sont classés très à droite et défendent des programmes conservateurs, voire d'extrême droite.

Des objectifs politiques différents

A Brasilia, les manifestants devenus émeutiers s'en sont pris à des symboles de la démocratie brésilienne. A Washington, les militants pro-Trump ont pris d'assaut le Congrès, centre de la vie législative américaine. Au Brésil, les bolsonaristes ont saccagé trois bâtiments représentant les trois pouvoirs : le Congrès national, le palais présidentiel du Planalto (où se trouve le bureau du président Lula) ainsi que le Tribunal suprême fédéral, plus haute juridiction du pays.

L'objectif des manifestants pro-Trump était relativement clair : empêcher la confirmation de la victoire de Joe Biden en perturbant le décompte officiel des votes par le collège électoral américain. Mais dans le cas de l'attaque à Brasília, les soutiens du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro semblaient avoir un but différent, à savoir lancer un "SOS" à l'armée pour que cette dernière renverse le gouvernement élu – et permette peut-être le retour de Bolsonaro au pouvoir. C'est notamment ce qu'ont tagué les bolsonaristes sur les murs et la coupole du Sénat, comme l'a rapporté la journaliste brésilienne Marina Dias sur Twitter (en portugais).

Un bilan plus lourd à Washington

Le jour de l'attaque du Capitole à Washington, des membres du Congrès, du personnel de l'institution, ainsi que le vice-président de l'époque Mike Pence étaient présents et avaient dû être placés en sécurité. Un policier de 43 ans, Brian Sicknick, avait par ailleurs perdu la vie en tentant de repousser des militants pro-Trump. Deux autres policiers qui étaient intervenus à Washington s'étaient par ailleurs suicidés dans les jours suivants, rappelle le New York Times (en anglais).

A Brasília, les trois bâtiments attaqués étaient presque totalement vides. Une situation normale pour un dimanche, d'autant que les membres de l'Assemblée législative et de la Cour suprême sont en vacances tout le mois de janvier. Le président Lula était lui en déplacement vers la petite ville d'Araraquara, dans le sud du Brésil, durement touchée par des inondations ces dernières semaines.

Il y a deux ans, quatre partisans de Donald Trump avaient été tués, dont une manifestante abattue par un policier du Capitole, et une cinquantaine de personnes avaient été arrêtées le jour même. A part des dizaines de blessés, le bilan n'est pas aussi lourd dans le cas de l'attaque à Brasilia, où aucun décès lié n'a pour l'instant été signalé. Près de 1 200 manifestants ont été interpellés, selon le New York Times (en anglais).

Des réactions très distinctes de Jair Bolsonaro et Donald Trump

Des différences sont à noter dans la façon dont ces deux présidents sortants ont commenté les évènements alors qu'ils avaient encore lieu. Le 6 janvier 2021, Donald Trump avait semblé soutenir ses partisans en publiant des messages véhéments sur Twitter, avant d'appeler ses soutiens à la non-violence puis à finalement "rentrer chez eux".

Dans le cas de l'attaque à Brasilia, Jair Bolsonaro n'a pas immédiatement commenté les émeutes. Ce n'est qu'après le retour au calme dans la capitale brésilienne que l'ex-président, en vacances aux Etats-Unis depuis le 30 décembre dernier, a condamné cet assaut. "Les déprédations et invasions de bâtiments publics sont contraires à la règle", a-t-il écrit sur Twitter. Accusé par Lula d'avoir "encouragé" de tels actes à travers ses récents discours, il a rejeté "les accusations sans preuve" de son successeur.

Aux Etats-Unis, l'étau se resserre depuis plusieurs mois autour de Donald Trump concernant l'attaque du Capitole. La commission d'enquête parlementaire recommande en effet des poursuites pénales à l'encontre de l'ex-président, notamment pour appel à l'insurrection et complot à l'encontre de l'Etat. Au Brésil, le président Lula a promis d'identifier "les putschistes qui ont promu la destruction des propriétés publiques". Une nouvelle épreuve pour le président brésilien, qui avait choisi de prononcer un discours d'union lors de son investiture, le 1er janvier dernier.

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