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Brésil : paroles de manifestants qui veulent "réveiller le pays"

Ils sont étudiants, employés ou professeur et demandent une autre utilisation de l'argent public. Rencontre avec des jeunes protestataires de Fortaleza, la cinquième ville du pays.

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans les rues de Rio de Janeiro (Brésil), le 20 juin 2013. (TASSO MARCELO / AFP)

Près de deux semaines après les premières manifestations à Sao Paulo, le mouvement social au Brésil ne s’essouffle pas. La contestation a gagné une centaine de villes et le pays vit au rythme de manifestations quotidiennes. Les revendications, à l’origine centrées sur le coût de la vie, se sont élargies à de nombreux thèmes. Education, santé, corruption... Les raisons de manifester sont multiples. Rencontre avec les jeunes manifestants de Fortaleza (nord-est du pays), une des villes qui accueillent actuellement la Coupe des confédérations de football.

"La santé ou la sécurité ne sont pas à la hauteur"

José, étudiant en tourisme, 22 ans. "Alors que les regards du monde entier sont braqués sur nous en raison de la Coupe des confédérations, et avant la Coupe du monde, en 2014, nous voulons faire passer un message : le Brésil n’est pas prêt pour des événements d'une telle ampleur. L’éducation, les services de santé et la sécurité ne sont pas à la hauteur. Dans les cortèges, nous avons un slogan qui dit : ‘Brésil réveille-toi, un professeur vaut plus que Neymar’ [un des joueurs stars de l'équipe de football nationale].

  (HÉLOÏSE LEUSSIER / FRANCETV INFO)

"ll faut rapidement changer le pays, avec de nouvelles lois et une meilleure Constitution pour nous protéger de la corruption. Le projet de loi PEC 37, qui va limiter les pouvoirs d’investigation du gouvernement sur les hommes politiques et les hauts fonctionnaires, doit être retiré. C’est l’une de nos premières revendications. Je pense que ce mouvement va permettre de changer les choses. La présidente Dilma Roussef doit être inquiète parce que c'est la première fois que les gens se soulèvent de cette manière au Brésil." 

"Le problème central, c'est la corruption"

Aline, étudiante en tourisme, 24 ans. "Je suis très heureuse de ce qui se passe. Nous vivons un moment historique. Je regrette les violences qui ont eu lieu dans certaines manifestations, mais ce sont les actes d’une minorité. La mobilisation est pacifique et doit le rester.

  (HÉLOÏSE LEUSSIER / FRANCETV INFO)

Les raisons de manifester sont nombreuses. Les hôpitaux sont de très mauvaise qualité, les rues sont sales, les bus fonctionnent mal... Les universités sont mauvaises, on nous y prépare seulement à travailler, pas à développer notre sens critique. Mais tout cela vient d’un problème central : la corruption et les pots-de-vin."

"Ici, il y a des morts tous les jours dans les rues"

Mario, employé dans le bâtiment, 22 ans. "Je voudrais un pays plus sûr. Ici, à Fortaleza, il y a des morts tous les jours à cause de la criminalité. Les gens n’osent même pas marcher dans les rues, il faut se méfier de tout le monde.

  (HÉLOÏSE LEUSSIER / FRANCETV INFO)

Le problème, c’est la manière dont l’argent est dépensé. Par exemple, un énorme aquarium, le troisième plus grand du monde, va être construit dans la ville. Ce chantier nous coûte une fortune, mais il est inutile. Seuls les riches privilégiés auront les moyens de se payer l’entrée et d’en profiter. Les investissement doivent aller en priorité aux services publics."

"Donner aux étudiants la chance de s'en sortir"

Andressa, étudiante en littérature, 23 ans. "La conscience politique des Brésiliens est en train de s’éveiller. Nous réalisons enfin que les choses peuvent changer. Il y a tellement de choses face auxquelles nous ne pouvons plus rester passifs. Moi par exemple, je voudrais devenir professeure et j’ai peur pour mon avenir. Je dois m’attendre à un très petit salaire.

  (HÉLOÏSE LEUSSIER / FRANCETV INFO)

Le gouvernement ne donne pas aux étudiants les chances de s’en sortir. Mais il n’y a pas que ça : récemment, le Sénat a proposé une loi pour 'soigner' l’homosexualité. L’homosexualité n’est pas une maladie ! Cette proposition de loi est aussi une raison de manifester."

"L'éducation n'est pas la priorité du gouvernement"

Tarcisio, professeur de design dans une université privée, 25  ans. "Les Brésiliens viennent de réaliser que leur pays n'est pas pauvre puisqu’il est assez riche pour accueillir des événements sportifs internationaux. Nous voyons tout l'argent investi dans le sport et nous nous demandons : 'pourquoi ne pouvons-nous pas nous offrir la même qualité pour l'éducation et les services publics ?'

  (HÉLOÏSE LEUSSIER / FRANCETV INFO)

Il est évident que l'éducation n'est actuellement pas la priorité du gouvernement : les écoles manquent d’infrastructures et les professeurs ne sont pas assez valorisés. La question maintenant c'est : que va devenir notre mouvement ? Mais le plus important, c'est que ce que nous faisons aujourd’hui est révolutionnaire."

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