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Canada: les confortables revenus d'un grand chef indien

Le Canada compte 600 « Premières nations», peuples autochtones indiens. Depuis une loi sur la «transparence financière» de ces communautés entrée en vigueur en juillet 2014, elles doivent publier leurs comptes. On a ainsi découvert que le chef de la Première Nation de Kwikwetlem, près de Vancouver (ouest), recevait 914.219 dollars canadiens (625.649 euros) annuels financés par le contribuable.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Ron Giebrecht, chef de la Première Nation Kwikwetlem (ouest du Canada), prise lors d'une interview en 2012 (extrait d'une vidéo diffusée sur Youtube) (Image The National - CBC (diffusé par Youtube))

L’affaire a fait scandale. D’autant que le grand chef en question, Ron Giesbrecht, a reçu une prime supplémentaire de 800.000 dollars (547.353 euros) pour la saison 2013-2014. Il a donc perçu un revenu total annuel de 1,7 million de dollars (1,16 million d’euros). Qui plus est non imposable ! Un revenu, théoriquement fixé par la loi, encore plus surprenant quand on sait que Kwikwetlem, à Coquitlam (Colombie-Britannique), «a une population enregistrée de 81 personnes, mais que seulement 35 y vivent effectivement», rapporte le site de la chaîne Global News.   
 
Les membres de la communauté n’ont que moyennement apprécié. «Gagner 900.000 dollars pour une si petite nation est le comble de la stupidité. Maintenant, nous sommes la risée de toutes les autres Premières Nations», a commenté un habitant de Kwikwetlem, cité par Global News. D’autres, qui affirment n’avoir été au courant de rien, ont demandé la démission du grand chef. L’argent qui lui a été versé «aurait pu être utilisé à d’autres usages plus importants», ont souligné certains. Selon une source officielle citée par le site de la chaîne CTV, 40 % des maisons de Kwikwetlem auraient besoin de réparations, voire d’être reconstruites.
 
Apparemment, tout cela n’a rien d’illégal. Ron Giesbrecht a signé un contrat en bonne et due forme. Lequel contrat lui octroyait un bonus de 10 % au titre du «développement économique». Il aurait ainsi fait gagner à sa communauté 8 millions de dollars (5,46 millions d’euros). D’où le joli pactole de 800.000 dollars.
 
«Troublant»
De son côté, le ministère pour les Affaires aborigènes a jugé l’affaire «troublante» et estimé qu’il convenait d’utiliser l’argent public «de manière responsable». Quant à la Fédération des contribuables canadiens, très satisfaite de la «Loi sur la transparence financière des Premières Nations», elle a estimé que le salaire du chef est un «scandaleux gaspillage d’argent».
 
A la section québécoise de l’Assemblée des Premières Nations, on tente d’inviter chacun à la prudence. «Un chef doit veiller à des tâches politiques, administratives, économiques, représentatives, sanitaires, sociales et bien d'autres. Il n'est pas rare qu'un chef soit aussi le négociateur et l'administrateur. La tâche est colossale et incomparable», explique l’organisation, citée par le quotidien québécois La Presse.

Mais au milieu de tout cela, que dit Roy Giesbrecht ? Il explique qu’il est «l’un des chefs les moins payés du pays», selon The National Post. Ce qui ne semble pas tout à fait exact au vu des chiffres

Quant à son sympathique bonus, il dit qu’il a lui-même été surpris par son montant. «Je ne m’attendais pas à ce que notre nation réussisse aussi bien. Cela veut aussi dire que la Première Nation de Kwikwetlem est dans une meilleure situation qu’avant», a-t-il dit. Selon un ancien administrateur de la réserve, cité par The National Post, le chef a considérablement amélioré les conditions de vie de ses concitoyens sans créer de déficit.

Une chose est sûre : Roy Giesbrecht a annoncé qu’il ne démissionnerait pas, expliquant que seuls quatre membres de sa communauté réclamait son départ. Il conservera également son poste d’agent de développement économique. Le «mécanisme du bonus» a été modifié. En clair : aujourd’hui, il ne pourra plus toucher autant. La Première Nation de Kwikwetlem devrait par ailleurs lui adjoindre un conseil «qui permettra de faire la part entre les affaires et les politiques», précise La Presse. On ignore si la paye sera revue, elle aussi, à la baisse…

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