Cet article date de plus de sept ans.
Le Canada opte pour la taxe carbone, mais relance le pétrole bitumineux
Le Premier ministre Justin Trudeau a convoqué les chefs des 13 provinces et territoires du Canada pour finaliser le plan de lutte sur les changements climatiques. Au programme, l’instauration d’une taxe carbone en 2018. Un sujet tabou dans un pays très dépendant des industries extractives et des hydrocarbures. Une taxe qui n'empêchera pas une forte hausse des pétroles bitumineux d'ici 2025.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les Canadiens sont au premières loges pour constater la réalité du changement climatique. Dans le Grand Nord, plus personne ne peut nier la vitesse du phénomène. C’est pourquoi, lors de la conférence sur le climat, le Premier ministre Justin Trudeau s'est engagé à réduire de 30% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 2005.
Une décision qui tranche avec celle du gouvernement conservateur précédent (de Stephen Harper) très favorable aux industries extractives, dans ce pays qui possède de grandes réserves de pétrole et de gaz. L’exploitation de sables bitumineux fait du Canada l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre.
2e pollueur du monde par habitant
De plus, les Canadiens sont de gros consommateurs d’énergie fossiles, presque au même niveau que leur voisins américains.
Malgré cette dépendance du pays aux énergies fossiles, le Canada va se doter d'une taxe nationale sur le carbone à compter de 2018. Le Premier ministre Justin Trudeau en avait fait l'annonce lors de la ratification de l'accord de Paris sur le climat. Il a évoqué une taxe de 10 dollars par tonne de carbone dès 2018. Le prix augmentera de 10 dollars par année pour atteindre 50 dollars en 2022.
Résistance des provinces pétrolières
Si l’Etat fédéral impose les principaux paramètres de son plan, les provinces ont une certaine flexibilité sur les moyens pour atteindre les objectifs. Très habilement, Ottawa laisse aux provinces le fruit des taxes, ce qui représente un joli magot.
«Toutes les provinces doivent faire leur part…Si elles n’adoptent pas la taxe sur le carbone d'ici 2018, on le fera nous-mêmes… La pollution ne connaît pas les frontières», affirme M.Trudeau.
Justin Trudeau tente de convaincre les entreprises réticentes: «Une taxe raisonnable et prévisible sur la pollution causée par le gaz carbonique va encourager l'innovation parce que les entreprises devront trouver de nouvelles manières de réduire leurs émissions et polluer moins», a-t-il justifié.
La détermination de Justin Trudeau à se lancer dans la lutte contre les changements climatiques n'arrive pas à masquer toutes les contradictions de son gouvernement en matière d'environnement et de développement énergétique.
Relance des sables bitumineux
Les puissants lobbies des énergies fossiles n’ont pas l’intention de renoncer aux milliards de dollars de valorisation enfouis dans le sous-sol canadien.
Ils ont compris que la taxe carbone n’empêchera pas l’exploitation des énergies fossiles. La Première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a même conditionné son soutien à la taxe carbone à la construction d'oléoducs pour désenclaver la production pétrolière de sa province.
Taxer le dioxyde carbone ne devrait pas être vu comme un permis d'exploitation accrue des hydrocarbures. Pourtant, le gouvernement Trudeau a donné son feu vert à l’exportation de gaz naturel liquéfié du géant Petronas, en Colombie-Britannique, un projet portuaire de 36 milliards de dollars.
Il est aussi favorable au pipeline Kinder Morgan, un autre méga-projet (1000 kilomètres) qui doit acheminer jusqu'à 900.000 barils de pétrole de la province canadienne de l'Alberta à l'Etat de Washington, dans le nord-ouest des Etats-Unis.
Les différents projets d'expansion des sables bitumineux vont faire croître la production de pétrole de plus de 40% d'ici 2025. Ce qui devraient effacer les bénéfices attendus de la taxe carbone en termes de gaz à effet de serre.
Contradictions canadienne
Justin Trudeau va-t-il tourner le dos à l'accord de Paris sur le climat? «L’annonce d’un prix sur le carbone est une bonne nouvelle, mais le Canada devra en faire beaucoup plus pour respecter l’Accord de Paris, à commencer par rejeter les projets polluants comme les pipelines de pétrole des sables bitumineux», affirme Patrick Bonin de Greenpeace.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.