Décès de Liu Xiaobo : "Nous sommes tous un peu co-responsables de cette mort"
Marie Holzman, responsable de l'association Solidarité Chine, s'est indigné, jeudi sur franceinfo, du traitement réservé à Liu Xiaobo par les autorités chinoises, à la suite de sa mort.
"L'indignation du monde entier a été trop faible", a regretté, jeudi 13 juillet sur franceinfo, Marie Holzman, spécialiste de la dissidence chinoise et responsable de l'association Solidarité Chine, à la suite de la mort de Liu Xiaobo. Celle qui a traduit les textes du dissident chinois, a aussi exprimé sa colère contre le traitement de l'opposant par les autorités chinoises. Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix 2010, est mort des suites d'un cancer du foie après huit années passées en prison.
franceinfo : Quelle est votre première réaction à l'annonce de la mort de Liu Xiaobo ?
Marie Holzman : La colère. La colère d'avoir laissé un intellectuel aussi remarquable, défenseur des valeurs universelles, de l'avoir laissé mourir sans dignité, en prison depuis décembre 2008. Même s'il a été placé dans un hôpital, il n'avait pas sa liberté. Ses amis n'ont pas pu lui rendre un dernier hommage. La répression est tellement forte. L'information de sa mort ne passera pas en Chine. Il n'y a que les gens qui sont capables de sauter par-dessus la muraille de la censure qui seront informés. Le milliard de Chinois ignorera de ce scandale.
Que lui reprochait le pouvoir chinois ?
Les dissidents sont accusés sous toutes sortes de prétextes. Pour Liu Xiaobo, on lui reprochait d'être charismatique. Il avait une pensée lumineuse, structurée. Il faisait des propositions pour des réformes à l'intérieur du Parti communiste chinois, en faveur de la Constitution chinoise. Il espérait, progressivement, que la dictature chinoise pourrait relâcher son étau sur la société. Le Parti communiste chinois ne l'a pas supporté. C'était un homme audacieux qui avait des propos assez non-conformistes. Il pouvait aussi bien accuser la pensée traditionnelle chinoise que la pensée contemporaine communiste. Il pouvait reprocher aux Chinois d'avoir une mentalité d'esclave, trop soumis à la hiérarchie, trop enfermés dans leur propre culture. Il ne s'est donc pas fait que des amis, même en Chine, parmi les intellectuels.
En 2010, Liu Xiaobo n'a pas pu recevoir le prix Nobel de la paix, car il était emprisonné. Est-ce une épine dans le pied du gouvernement de Pékin ?
Oui. Il faut dire aussi que sa compagne, Liu Xia, l'a en quelques sortes accompagné dans son emprisonnement. Elle a subi une détention à domicile très dure. Si Liu Xiaobo a tellement insisté pour pouvoir quitter la Chine à la fin de sa vie, c'est précisément parce qu'il voulait offrir la possibilité à son épouse de s'évader du pays. Malheureusement, ce dernier vœu n'a pas été accepté. Nous sommes tous un peu co-responsables de cette mort, car l'indignation du monde entier a été trop faible. Nous ne nous sommes pas fait suffisamment entendre. Il y a eu trop d'indifférence à l'égard de ce double emprisonnement. Quand Aung San Suu Kyi était, elle, en résidence surveillée, le monde entier parlait d'elle. À chaque fois que je fais des conférences, personne ne connait le nom de Liu Xiaobo. Pourquoi ? Parce qu'on a peur d'offenser le gouvernement chinois. On a peur de perdre des contrats. On sait que mentionner son nom, réclamer sa liberté, met en péril les bonnes relations franco-chinoises.
Liu Xiaobo, a-t-il changé avec l'emprisonnement ?
Quand un Chinois tombe en prison, il tombe dans un puits sans fond. Nous n'avons pas de nouvelles de lui. Nous n'avons pas eu de nouvelles de Liu Xiaobo pendant huit ans. Si sa femme avait donné des nouvelles, son droit de visite lui aurait été supprimé. Il faut savoir qu'elle ne pouvait le voir qu'une demi-heure tous les deux mois.
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