Disparition de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai : "C'est le fonctionnement classique du régime chinois", réagit un spécialiste
Peng Shuai a disparu depuis deux semaines après avoir accusé un haut dirigeant chinois de viol. La télévision d'État chinoise a publié jeudi 18 novembre sur Twitter une capture d'écran d'un message dans lequel la joueuse de tennis affirme que "tout va bien".
"Je ne pense pas que sa vie physique soit menacée, même si son confort moral est menacé", réagit Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la Chine, après la disparition il y a deux semaines de Peng Shuai. Cette joueuse de tennis, vainqueure notamment du tournoi de Roland-Garros en double, a accusé le 2 novembre dernier un ancien haut dirigeant chinois de viol. Jeudi 18 novembre au matin, la compte Twitter de la télévision d'État chinoise a publié une capture d'écran d'un mail attribué à la championne de tennis dans lequel elle affirme que ses accusations "sont fausses" et ajoute " je ne suis ni disparue ni en danger. Je suis au repos chez moi. Tout va bien. Merci d'avoir pris des nouvelles".
franceinfo : Cette joueuse de tennis Peng Shuai, qu'est-elle devenue ou vit-elle en ce moment, à votre avis ?
Jean-Vincent Brisset : Je ne sais absolument pas de manière sérieuse ce qu'elle vit actuellement. J'imagine qu'elle est dans des conditions à peu près correctes de confort. Elle est enfermée avec suppression du téléphone, d'internet et des visites. Elle ressortira ou elle ne ressortira pas suivant les réactions extérieures sur l'évolution de la situation. Mais je ne pense pas que sa vie physique soit menacée, même si son confort moral et son fonctionnement normal sont menacés.
Ce message dit "je n’ai pas disparu, je suis en sécurité". On peut en douter ?
Effectivement, on ne peut qu’en douter. On est dans une série de choses du même genre, où il y a des messages qui disent que les gens sont en sécurité, qu’ils sont hospitalisés ou qu’ils se reposent ou autre alors qu’ils sont en fait entre les mains de la police chinoise ou alors assignés à résidence sans possibilité de communiquer avec l’extérieur. Il y a quelques personnalités connues comme cette joueuse de tennis, le patron d'Interpol, il y a eu aussi Fan Bingbing, une actrice. Ces personnes sont connues donc on en parle à l’étranger. Mais en Chine, la disparition d’un certain nombre de gens qui sont mis à l’isolement, envoyées en province, qui sont incapables et interdits de s’exprimer et de vivre, c’est un grand classique. C'est le fonctionnement classique du régime chinois qui fait penser à "nuit et brouillard" des nazis. Il y a des gens qui disparaissent totalement, dont on n'entend plus jamais parler.
Mais le fonctionnement du système est tel que personne ne va rebondir sur ces affaires-là. Il y a un vieux dicton chinois qui dit "il faut savoir tuer un poulet pour faire peur aux singes". On prend quelqu'un de manière très ostensible, on le fait disparaître ou on l'exécute ou autre, de manière à ce que tous les gens qui sont ses partisans éventuels se taisent et rentrent dans le rang. Les gens font leur autocritique, se couvrent la tête de cendres et reviennent dans le rang, pour ne pas recommencer les expériences de ce type-là. Ils préfèrent se taire et continuer de vivre normalement.
Et les remontrances, les pressions internationales, ça ne fait ni chaud ni froid à la Chine ?
Effectivement. Ce genre d'action vis-à-vis de Peng Shuai comme vis-à-vis des autres, c'est surtout à usage interne et c'est bien montrer qui est le patron. Et à l'heure actuelle, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, c'est un pays qui a manifestement une opposition qui est difficile à gérer. Il le gère en faisant des campagnes anti-corruption qui lui permettent d'éliminer un certain nombre de gens. Et il le gère aussi de cette manière-là parce qu'il a vraiment des problèmes de gouvernance. Et ses problèmes de gouvernance pourraient s'accentuer rapidement si les problèmes économiques de la Chine ou les problèmes de gestion de la crise sanitaire venaient à s'aggraver.
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