: Infographies Electronique, médicaments, batteries électriques : la France demeure dépendante de la Chine dans des secteurs stratégiques
"Il faut réduire notre dépendance vis-à-vis d'un certain nombre de grandes puissances. En particulier vis-à-vis de la Chine sur l'approvisionnement de certains produits." C'est ce qu'avait déclaré le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, en mars 2020, quelques semaines après le début de l'épidémie de Covid-19 en France. La crise sanitaire avait ainsi mis en lumière l'importance des importations chinoises dans les approvisionnements français.
Depuis, les déclarations politiques appelant à réduire la dépendance de la France à l'égard de la Chine se sont multipliées. Emmanuel Macron, qui accueille lundi 6 mai le président chinois Xi Jinping, a encore rappelé, la semaine dernière, l'importance de défendre les "intérêts stratégiques"de la France et la nécessité d'engager des "relations économiques qui reposent sur la réciprocité" avec la Chine, dans une interview accordée au magazine britannique The Economist.
Une balance commerciale déséquilibrée mais stable
Car depuis les années 2010, la balance commerciale avec la Chine s'est largement stabilisée en faveur de cette dernière. Si les importations et exportations sont en hausse, le ratio entre les deux reste constant. En 2023, la France a ainsi importé pour environ 71 milliards d'euros de biens et services chinois, en grande majorité des produits manufacturés, un chiffre en légère baisse par rapport à 2022.
"Cette balance commerciale déficitaire vis-à-vis de la Chine est en partie compensée par le fait qu'on est excédentaires sur la balance des services, notamment le tourisme, qui a tout de même été très pénalisé par le Covid ", explique l'économiste Isabelle Méjean. Une situation de dépendance qui n'a que peu évolué malgré les déclarations politiques en faveur d'un rééquilibrage.
Mais pour les spécialistes, cette dépendance est à relativiser. "Si la part de la Chine dans les importations n’est pas négligeable, elle n'est pas non plus majoritaire, car la plus grande partie de nos importations vient d’Europe", souligne Isabelle Méjean. En 2019, d'après l'Insee, la Chine ne représentait en effet que 9,3% du total des importations françaises.
En outre, la France reste très liée à la Chine dans des secteurs moins incontournables, comme le textile. "Finalement, les produits stratégiques essentiellement fabriqués par la Chine ne sont qu'une petite partie des produits où il y a une dépendance", explique Vincent Vicard, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales.
Quelques secteurs toujours soumis à des risques d'approvisionnement
Parmi les produits stratégiques, on trouve les médicaments et produits pharmaceutiques au sens large, mais aussi les batteries électriques, l'électronique, les smartphones ou encore les ordinateurs. La Commission européenne met ainsi régulièrement à jour une liste des dépendances stratégiques. "Sur certains de ces types de biens, la Chine est pratiquement en situation de monopole", note Isabelle Méjean.
Mais si la crise sanitaire a mis en lumière les problèmes posés dans certains secteurs, cette situation existe depuis plus longtemps. "Cela se voit beaucoup dans des secteurs où il y a des grosses économies d'échelle, comme la chimie. Il est beaucoup plus rentable et beaucoup moins polluant de produire de très gros volumes. Dès lors, l'offre mondiale se retrouve très concentrée”, détaille la spécialiste des échanges commerciaux.
Mais la liste des produits stratégiques évolue en permanence, rappelle Vincent Vicard. "Par exemple, la Chine a percé en tant que productrice et exportatrice de véhicules électriques sur les cinq dernières années. Ce pays, qui était un nain commercial dans le secteur automobile, est devenu le principal exportateur mondial en exportant 5 millions de véhicules en 2023." L'importation de certains biens chinois comme les ordinateurs ou les batteries électriques progresse également.
Relocalisations et multiplication des partenaires commerciaux
Or, "dans le contexte de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, mais aussi du changement de doctrine des Etats-Unis, le risque s'accroît que des liens commerciaux soient utilisés pour imposer des vues géopolitiques", met en garde Vincent Vicard.
Première étape pour réduire cette dépendance : diagnostiquer les vulnérabilités possibles. "Et cela ne relève pas forcément de l'évidence", souligne Isabelle Méjean. L'économiste cite ainsi le secteur des médicaments. "On sait qu'il y a de plus en plus de ruptures d'approvisionnement. Mais sont-elles vraiment dues à cet approvisionnement international ? Ou sont-elles liées à des stratégies des entreprises pharmaceutiques, qui délaissent un certain nombre de médicaments, ou de concentration de la production ?"
Face à cette situation, l'Europe (lien PDF) promeut le "de-risking" ("atténuation des risques"), en multipliant les partenaires commerciaux. Le Conseil de l'Union européenne a par exemple adopté en décembre 2023 un accord commercial avec le Chili, grand pourvoyeur de métaux rares. "Mais cela reste d'abord des engagements, avec peu de mesures concrètes derrière", tempère Vincent Vicard.
"Quelles politiques vont être mises en place, dans quel secteur ? Pour le moment, ce n'est pas clair."
Vincent Vicard, économisteà franceinfo
Pour tenter de limiter sa dépendance, la France a de son côté entrepris une politique de relocalisation de certaines industries. C'est le cas dans le secteur des batteries électriques, avec l'ouverture dans le Pas-de-Calais d'une première usine de production de batteries.
Mais pour le moment, difficile de dire à quelle échéance ces initiatives auront des effets concrets. "Ce sont des processus longs. Et si, dans certains secteurs, on constate des évolutions, dans d'autres, comme le photovoltaïque, on voit mal se dessiner une réduction des dépendances", conclut Vincent Vicard.
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