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La répression de la place Tiananmen selon un document militaire américain

Citant une source anonyme, un rapport américain déclassifié met en lumière le chaos qui régnait, en 1989, sur la place Tiananmen. Les Chinois, eux, ne peuvent toujours pas en parler, 25 ans après la répression sanglante des manifestations pour la démocratie.
Article rédigé par Khadija Ben Hayyan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
A Pékin, l'accès à la place Tiananmen était strictement controlé par la police, le 4 Juin 2014. (GOH CHAI HIN / AFP)

Infliger aux manifestants d’importantes pertes. Telle était l'intention des soldats déployés dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 sur la place Tiananmen. Ils riaient pendant qu’ils tiraient sur la foule. L'information est tirée d’un document rendu public par les Archives de sécurité nationale, à l'université George Washington aux États-Unis. Il a fallu une décision de justice pour obtenir sa déclassification.

Le rapport militaire secret s'appuie sur un témoignage anonyme. Cette source était postée dans une chambre d’hôtel avec vue sur la célèbre place de Pékin. La confusion régnait selon elle. Face au mouvement en faveur de la démocratie, les autorités ont déclenché une répression «brutale», la plus meurtrière depuis la fondation du régime en 1949. L’assaut a fait plusieurs centaines de morts et jusqu’à plus de mille, selon certaines sources.

Cet élan de contestation débute le 15 avril 1989. «Pendant 50 jours, à l'initiative des étudiants, le lieu le plus solennel de la République populaire de Chine s'est mué en un immense et pacifique laboratoire des rêves de démocratie et de liberté du pays. Jour et nuit, Chinois de tous âges et de toutes professions s'y sont inventé un autre avenir que celui dicté par le Parti communiste.», rapporte Pierre Lescot correspondant de l’AFP qui a couvert les événements.

A l'époque, les informations étaient sommaires et parfois complètement fausses,  précise le rapport américain. Aujourd'hui encore, les événements de Tiananmen restent tabous en Chine. La plupart des jeunes chinois ne savent rien de ce qui s’est passé. Et si, l’État chinois a passé sous silence cet épisode de l'histoire chinoise, c’était «pour influencer positivement le développement harmonieux des réformes et de l'ouverture», assure le quotidien officiel Global Times qui a étonnamment publié un éditorial sur le sujet mercredi 4 juin 2014. L’auteur en est persuadé : le pays «n'emboîtera pas le pas à l'Occident».

Des commémorations à Hong Kong et Taïwan
Les autorités ont veillé en tous cas à ce qu’il y ait aucune commémoration du vingt-cinquième anniversaire de l’écrasement du « printemps de Pékin ». Preuve en est l’importance du quadrillage policier autour de la place pékinoise. L’accès était d’ailleurs filtré par les forces de sécurité, prenant soin de vérifier les identités de l’ensemble des visiteurs.

La seule commémoration a eu lieu à Hong Kong. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, bougies à la main, au parc Victoria, pour une veillée en souvenir des victimes. Depuis sa rétrocession en 1997, Hong Kong a le statut de région administrative spéciale (RAS). Son autonomie est plus large que celle des autres provinces chinoises en vertu du modèle « un pays, deux systèmes ».«La liberté de l'ensemble de la nation chinoise devrait être l'objectif ultime du pays. C'est une bonne chose que quelques personnes se souviennent encore» du mouvement pour la démocratie, a déclaré à l'AFP, Li, un homme d'affaires de 52 ans venu avec son fils de la province de Guangdong et qui a refusé de donner son nom de famille.

A Taïpeï, capitale de Taïwan, une manifestation a réuni des centaines de personnes. La Chine considère l’île comme une province rebelle. Mais leurs relations se sont apaisées depuis l'élection en 2008 de Ma Ying-jeou, réélu en 2012. Ce dernier a appelé Pékin à entamer des réformes politiques pour que de telles répressions ne se reproduisent pas.

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