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Géants du textile visés par une enquête sur le travail forcé des Ouïghours en Chine : "J'étais une fidèle consommatrice, à revoir peut-être..."

Une enquête est ouverte pour "recel de crimes contre l'humanité" contre les propriétaires d'Uniqlo, Zara, Sandro et Skechers, suspectés de produire tout ou partie de leurs vêtements dans des camps de travail forcé au Xinjiang. Une qualification grave, qui ne bouleverse pas les achats des consommateurs pour le moment. 

Article rédigé par Alain Gastal, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des clients attendent devant un magasin Uniglo à Paris, lors des soldes d'hiver 2021. L'enseigne japonaise fait l'objet d'une enquête pour recel de crimes contre l'humanité, en lien avec les camps de travail forcé ouïghours en Chine.  (BRUNO LEVESQUE / MAXPPP)

Le parquet national antiterroriste français a ouvert fin juin 2021 une enquête contre quatre entreprises du secteur du textile pour "recel de crimes contre l'humanité". Cette procédure est en lien avec les soupçons de travail forcé subi par les membres de la communauté musulmane ouïghour, dans la province chinoise du Xinjiang. Quatre grandes enseignes sont dans le collimateur : le japonais Uniqlo, le groupe espagnol Inditex, propriétaire de Zara et Bershka, le français SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot, De Fursac) et le fabricant américain de chaussures de sport Skechers.

L'ouverture de l'enquête fait suite à une plainte déposée en avril 2021 par l'association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l'étiquette, l'Institut ouïghour d'Europe et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang. Ils reprochent aux marques de commercialiser des produits fabriqués en totalité, ou en partie, dans des usines chinoises où des Ouïghours sont soumis au travail forcé. 

"Ceux qui n'ont pas beaucoup de moyens n'ont pas vraiment d'autre choix" 

Mais cette enquête n'a pas entamé l'ardeur des clients, surtout en ces premiers jours de soldes d'été 2021. Les magasins des enseignes visées ne désemplissent pas. Même si, parmi ceux qui sortent, les bras chargés de sacs, le doute peut parfois s'instiller. "Si les Chinois sont de mèche avec Uniqlo concernant les Ouïghours, c'est quand même quelque chose de grave", reconnaît un jeune client. "Je ne me suis pas posée la question jusqu'à maintenant, explique une autre acheteuse. J'étais une fidèle consommatrice. C'est à revoir peut-être, si tout cela s'avère véridique." 

"Malheureusement, ils ont des produits qu'on ne trouve pas ailleurs."

Une cliente des enseignes incriminées

à franceinfo

"Certes, ce n'est pas produit dans de très bonnes conditions, reconnaît une autre cliente. Mais pour les jeunes ou ceux qui n'ont pas beaucoup de moyens, ils n'ont pas vraiment d'autre choix que H&M, Zara ou Uniqlo." 

"Là, on franchit une étape supérieure"

Dans l'esprit de nombreux clients, les produits à bas coût sont forcément associés à du travail mal payé dans des pays pauvres. Mais pour Nayla Ajaltouni, du collectif Ethique sur l'étiquette, on est bien au-delà de cela au sujet du coton produit au Xinjiang. "On est face à une situation génocidaire, à des crimes contre l'humanité, s'alarme-t-elle. C'est vrai que l'industrie de l'habillement est fondée sur un modèle économique d'exploitation d'une main d'oeuvre sous-payée aux droits sociaux bafoués. Mais là, on franchit une étape supérieure." 

"C'est la première enquête ouverte pour recel de crimes contre l'humanité, comprendre comment les multinationales profitent de ces situations de non-droit." 

Nayla Ajaltouni, du collectif Ethique sur l'étiquette

à franceinfo

Les marques concernées démentent profiter sur place de la situation des Ouïghours. Certaines avancent qu'elles ont dénoncé le travail forcé et font même pour cela l'objet de mesures de rétorsion des autorités chinoises. Dans un communiqué, le groupe Inditex affirme que "des contrôles de traçabilité rigoureux, menés au sein du groupe, ont permis de vérifier que les allégations provenant de cette plainte sont infondées." Et que le groupe "coopérera, pour l’établir, avec les autorités judiciaires françaises."

Les enseignes visées par une enquête sur le travail forcé des Ouïghours en Chine ne désemplissent pas pendant les soldes - Reportage d'Alain Gastal

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