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Des diplomates américains ont-ils pu être victimes d'"attaques acoustiques" à Cuba ?

Au moins 16 employés du gouvernement américain ont ressenti "certains symptômes", a annoncé la porte-parole de la diplomatie américaine. Mais une telle attaque est-elle vraiment possible ?

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
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L'ambassade américaine à La Havane (Cuba), le 17 décembre 2015. (YAMIL LAGE / AFP)

Le mystère s'épaissit autour des "attaques acoustiques" dont auraient été victimes au moins 16 diplomates américains à Cuba. Le département d'Etat américain a évoqué, jeudi 24 août, un événement "sans précédent" : "Nous n'avons jamais été confrontés à de telles choses par le passé." Pour autant, Washington n'a ciblé aucun responsable de cette attaque datée de fin 2016, début 2017. La diplomatie américaine reste même avare en détails concernant les circonstances de cet incident. Franceinfo s'interroge sur la crédibilité d'une telle attaque par le bruit.

Oui, les symptômes évoqués sont crédibles

Selon CBS, les diplomates victimes de ces "attaques acoustiques" souffrent de troubles multiples : perte auditive, nausée, maux de tête et problème d’équilibre. La chaîne américaine va même jusqu'à évoquer dans certains cas de légères lésions cérébrales d'origine traumatique. Les autorités américaines n'ont pas confirmé ces informations, se contentant d'évoquer des pertes d'audition.

Joint par franceinfo, le docteur Jean-Marc Juvanon, porte-parole de la Société française d'ORL, estime que la plupart de ces symptômes peuvent effectivement être liés à une exposition au bruit : "L'oreille interne est très sensible à partir d'un certain volume [de l'ordre de 105 ou 110 décibels], cela peut créer des pertes d'auditions et des acouphènes par la suite. Un son très violent peut même provoquer des nausées, des maux de tête, mais pas des lésions cérébrales à ma connaissance."

Interrogé par 20 Minutes, le neuroscientifique Seth Horowitz, expert en acoustique à l’université Brown, semble plus sceptique : "[Ces symptômes] peuvent être liés à tout et n’importe quoi, à une infection virale ou bactérienne, à la maladie de Menière – qui touche l’oreille interne – ou à rien du tout."

Oui, des précédents historiques existent

"Le son peut effectivement être utilisé comme une arme, assure le docteur Jean-Marc Juvanon. Il est connu que, dans certains pays, on utilise des haut-parleurs très puissants pour disperser la foule de manifestants. De même, l'armée américaine a parfois utilisé le son, comme pour harceler le dictateur Manuel Noriega lors d'un siège au Panama."

Libération cite de nombreux exemples de bruits offensifs, comme à Gaza où les avions israéliens ont parfois survolé le ciel en franchissant le mur du son à basse altitude. A Guantanamo, le supplice de la "Torture Music" a été utilisé sur certains détenus. Enfin à Falloujah, l'armée américaine a utilisé des canons à son pour déloger les snipers irakiens. 

Mais des zones d'ombre persistent...

Une attaque acoustique ne relève donc pas du pur fantasme, mais certains points restent flous dans la communication du gouvernement américain. "De tels symptômes auraient pu être causés par un énorme amplificateur jouant les bonnes fréquences à une distance très proche, mais ça ne serait absolument pas discret et les victimes pourraient se boucher les oreilles ou simplement s’éloigner", s'étonne le neuroscientifique Seth Horowitz, interrogé par 20 Minutes.

"On ne sait pas grand-chose dans cette affaire, mais on voit mal comment ils auraient pu être attaqués sans s'en apercevoir et sans se protéger, ajoute Jean-Marc Juvanon. On peut toujours imaginer des sons extrêmement violents et brefs, à partir d'un téléphone par exemple, ou des nouvelles technologies que l'on ne connaît pas." Selon CNN, l'attaque aurait pu être menée avec des appareils soniques sophistiqués déployés à l'intérieur ou à l'extérieur de la résidence de diplomates américains.

... et ces accusations interviennent dans un contexte géopolitique délicat

L'affaire est intervenue dans un climat tendu entre les Etats-Unis et Cuba. Les deux pays, ennemis de longue date, n'ont rétabli leurs relations diplomatiques qu'en 2015 après un demi-siècle de rupture. Mais la situation s'est déjà de nouveau dégradée avec l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Résultat, sans attendre d'y voir plus clair dans cette affaire d'"attaques acoustiques", Washington a décidé en mai d'expulser deux diplomates cubains, une première riposte.

Et dans ce contexte, la communication parcellaire des Américains pose question. "On peut se dire que cette attaque intervient à un moment où il y a des relations difficiles avec Cuba et tout cela paraît un peu télécommandé, relève également pour franceinfo Antoine Lefébure, historien et expert dans le domaine des nouvelles technologies. Les Cubains n’ont aucun intérêt à attaquer les Etats-Unis car dès qu’il y a une ouverture, c’est de l’argent pour Cuba et ça maintient en place le régime."

En revanche, comme les Américains changent de politique à Cuba, il faut qu’ils aient des arguments, il faut se demander à qui profite le crime. D’où l’hypothèse d’une manipulation américaine.

Antoine Lefébure

à franceinfo

Antoine Lefébure s'étonne surtout de l'incapacité américaine à repérer l'origine de cette attaque. Un avis partagé par le docteur Jean-Marc Juvanon : "On voit mal les Etats-Unis incapables de se protéger d'une telle attaque. Du coup, on a l'impression que cette information est diffusée à des fins politiques, c'est assez curieux." 

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