Les économies d’énergie forcées plombent le quotidien des Cubains
Climatisation, cantine, temps de travail : la réduction à marche forcée de 50 % de la consommation d’énergie annoncée par le gouvernement de Raul Castro le 8 juillet a sérieusement dégradé le quotidien des Cubains.
Le 8 juillet, l'Etat cubain, par la voix de son chef Raul Castro, a annoncé une réduction de 50 % de la consommation d'énergie sur l'ile. En même temps, le président cubain a admis que le Venezuela avait réduit ses exportations de pétrole vers Cuba depuis décembre. L'ile étant dépendante à près de 70 % du combustible vénézuélien, le slogan "Il faut économiser l'énergie" passe en boucle à la télévision cubaine depuis près de deux mois.
Conséquences dans le secteur public, qui représente encore 80 % du marché du travail : plus de climatisation, plus de cantine, réduction du temps de travail, du nombre de transports publics... Des mesures drastiques qui affectent davantage le quotidien des Cubains.
Réduire la consommation d’énergie, par tous les moyens
Depuis le début de l'été, la société cubaine tourne ainsi autour d'un même refrain : il faut réduire la consommation d'énergie, par tous les moyens. Presque chaque jour, à la télévision cubaine, le député Aramis Hernandez justifie la décision du président Raul Castro : "Nous les Cubains, je crois que ce que nous devons faire, c'est nous habituer. A ce dont nous avons toujours été habitués : à la lutte. Et à défendre la Révolution cubaine ! Car nous avons fait face à des situations plus compliquées encore !"
Le député fait allusion aux années 90, quand l'Union soviétique s'effondre. Une période de guerre, dans la mémoire des Cubains. Le chercheur Gerardo Guishelia travaille pour le ministère de l'Environnement. Pour lui, la situation actuelle ne peut pas se comparer à celle d'il y a vingt ans. Même si l'embargo américain n'est pas levé, Cuba a développé d'autres alliances commerciales.
Cuba n'est pas isolé, même sans le Venezuela, il ne sera pas laissé sans possibilité de ressources
"Comme la Russie, énumère Gerardo Guishelia, qui a été notre exportateur de pétrole pendant plusieurs décennies, l'Algérie, qui nous a déjà envoyé du pétrole... L'Angola, le Mexique, ou certaines îles des Caraïbes, de grands producteurs de pétrole... Bref, tout ça montre que Cuba n'est pas isolé, même sans le Venezuela, il ne sera pas laissé sans possibilité de ressources."
Le quotidien des Cubains a empiré
En attendant le pire, on économise : de fréquentes coupures d'électricité au travail, moins de services publics, de système de climatisation, il est clair que le quotidien des Cubains a empiré. A quelques pas d'ici, Angeliqua Iglesias travaille dans une clinique médicale. "On consulte les patients dans une telle atmosphère, soupire-t-elle. Dans une pièce fermée, sans fenêtre, sans système de climatisation, l'air est suffoquant ! Beaucoup de gens ont perdu connaissance à cause de la chaleur... C'est très difficile de travailler dans ces conditions."
Il aurait fallu prendre des mesures en amont de cette crise. Si l'on travaille à mi-temps, on réduit la production, et évidemment il y a moins de bénéfices...
Orlando Vidal, 30 ans, est infirmier le jour, taxi la nuit. Selon lui, avoir pris la décision de réduire le temps de travail est insensée. L'Etat ferait, à l’entendre, l'inverse de ce qu'il devrait faire :"Il aurait fallu prendre des mesures en amont de cette crise. Si l'on travaille à mi-temps, on réduit la production, et évidemment il y a moins de bénéfices... L'économie nationale est réduite ! Juste en travaillant la moitié du temps, on n'économise rien du tout. Tu as peut-être économisé un peu de pétrole, mais l'économie de ton pays a diminué... Et ce qu'il faudrait dans ce pays, c'est justement produire : pratiquement rien ne se produit ici."
La réduction est surveillée de près : chaque semaine une commission passe dans les entreprises étatiques, toujours par surprise, pour vérifier si les mesures d'économie d'énergie sont bien respectées.
Romane Frachon
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