Egypte : Mansour, El-Baradei et Al-Sissi, qui est le trio qui a chassé Morsi ?
Les trois hommes ont joué un rôle clé dans la destitution du président égyptien. Francetv info dresse leur portrait.
Derrière la chute d'un dirigeant, trois hommes. Si l'armée, dirigée par Abdel Fattah Al-Sissi, est la principale force derrière la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, c'est le président de la Cour constitutionnelle, Adly Mansour, qui a été désigné, mercredi 3 juillet, pour diriger temporairement l'Egypte. L'opposition, à l'origine des manifestations monstres de dimanche, a aussi joué un rôle dans le renversement de Morsi. Elle a choisi un de ses principaux leaders, le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei, pour la représenter dans la mise en place de la transition politique annoncée par l'armée.
Francetv info dresse le portrait de ces trois hommes et du rôle qu'ils devraient jouer, après plusieurs jours de manifestations massives et sanglantes dans le pays.
1Le juge Adly Mansour, chef de l'Etat par intérim
Contrairement aux principaux leaders de l'opposition, son nom n'est jamais apparu parmi les successeurs potentiels de Morsi. Président de la Cour constitutionnelle depuis seulement deux jours, Adly Mansour avait été nommé à ce poste par Mohamed Morsi lui-même, à la mi-mai.
Ce sexagénaire, père de trois enfants, a étudié durant deux ans en France, à l'Ecole nationale d'administration (ENA) à Paris, avant d'entamer une longue carrière judiciaire sous le régime de Hosni Moubarak. Il a exercé dans des tribunaux religieux, encadrés par l'Etat égyptien, où il émettait des fatwas ou des décrets sur des questions religieuses, mais aussi dans des cours civiles et criminelles.
Ce juge aurait probablement pu parcourir sans être reconnu les manifestations qui ont rassemblé des millions d'Egyptiens depuis dimanche. Aucune photo officielle de lui n'a encore été diffusée. Une journaliste américaine en Egypte a publié cette photo non datée sur Twitter.
I hope someone gives the internet a more flattering picture of our new president soon pic.twitter.com/qXxLcKuQGw
— Deena Adel (@deena_adel) July 4, 2013
En effet, son portrait n'a jamais figuré parmi ceux brandis lors des rassemblements d'opposants au régime des Frères musulmans. C'est cet anonymat relatif qui a probablement intéressé les militaires, désireux de mettre en avant une figure neutre pour assurer la transition, qui s'annonce mouvementée.
2Mohamed El-Baradei, représentant de l'opposition
Choisi par l'opposition égyptienne, Mohamed El-Baradei est populaire parmi les militants pro-démocratie pour ses combats contre Hosni Moubarak, puis Mohamed Morsi. Chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de 1997 à 2009, il est réputé intègre et austère. C'est lorsqu'il était à la tête de cette organisation "qu'il s'est fait remarquer par ses critiques à l'égard de la politique américaine, jugée trop belliqueuse", note Libération. En 2005, il a reçu le prix Nobel de la Paix pour son travail et celui de l'AIEA contre la prolifération des armes nucléaires.
Mohamed El-Baradei "fait figure d'homme politique moderne malgré ses 71 ans", souligne Libération. Il séduit dans les milieux de la jeunesse éduquée, des intellectuels et des classes moyennes urbaines. "Mais ses airs d'intello et ses nombreuses années passées à l'étranger ont aussi donné de lui l'image d'un homme d'en haut, coupé du peuple et des réalités", explique le quotidien. Avant la chute de Moubarak en février 2011, le pouvoir avait lancé une virulente campagne contre Mohamed El-Baradei. Des photos du mariage de sa fille Laïla, sur lesquelles on voyait des verres de vin, ou de celle-ci en maillot de bain, de nature à choquer la société musulmane conservatrice, avaient alors été publiées dans la presse.
A l'automne 2011, alors que Le Caire est le théâtre de nouvelles manifestations contre le pouvoir détenu par le maréchal Hussein Tantaoui, ce fils d'avocat se mêle aux manifestants. Mais en 2012, il déclare forfait pour la course à la présidence. Selon lui, le pouvoir militaire de transition perpétue le système répressif d'autrefois. Désormais, il est la voix du "Front du 30 juin", qui rassemble les plus importants partis et mouvements hostiles au président Morsi.
3Le général Al-Sissi, nouvel homme fort de l'Egypte
"Morsi n'est plus notre président, Sissi avec nous", scandent, selon Le Parisien, des milliers de manifestants place Tahrir, au Caire, depuis l'ultimatum de l'armée lancé lundi après-midi. "Sissi", c'est le général Abdel Fattah Al-Sissi, chef de l'armée et ministre de la Défense. Il apparaît comme le nouvel homme fort du pays. C'est lui qui a fait envoyer au-dessus du Caire des hélicoptères militaires déployant le drapeau national, lundi, en signe de soutien aux manifestants descendus dans la rue depuis dimanche. Ce geste montre aussi qu'il veut octroyer à l'armée un rôle central pour résoudre la crise, mais sans aller jusqu'à un pouvoir militaire direct comme après la chute de Hosni Moubarak.
Agé de 58 ans, Abdel Fattah Al-Sissi est de vingt ans plus jeune que son prédécesseur, le maréchal Hussein Tantaoui. Le général Al-Sissi, né au Caire, issu des rangs de l'Académie militaire d'Egypte, apparaît avant tout comme un homme du sérail. La presse locale le dépeint en "homme très pieux", relève Le Parisien (article abonnés). Il a à plusieurs reprises affiché son souci "d'augmenter l'efficacité des forces armées", jugées enfermées dans des schémas militaires dépassés.
Selon les responsables politiques et les journalistes qui ont pu approcher Al-Sissi, sa préoccupation première est d'ailleurs de redorer l'image des militaires. Un challenge : si l'armée affirme qu'elle ne voulait pas faire un "coup", mais "pousser à un règlement politique", l'ultimatum lancé lundi et l'irruption des forces de sécurité dans les studios d'une chaîne du groupe Al-Jazeera interrogent sur le rôle qu'elle veut et va jouer en Egypte.
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