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Egypte : trois scénarios pour l'avenir

Dictature militaire, transition vers la démocratie ou guerre civile : le futur du pays, encore incertain, devrait se dessiner dans une de ces voies. Explications.

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un char de l'armée devant la Cour Suprême, où étaient prévues des manifestations, le 18 août 2013, au Caire (Egypte). (VIRGINIE NGUYEN HOANG / VIRGINIE NGUYEN HOANG)

La phase de violence inégalée qui frappe l'Egypte fait craindre une chute dans la spirale infernale. Depuis que les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les pro-Morsi, mercredi 14 août, au moins 830 personnes sont décédées dans des affrontements sanglants. Les Frères musulmans ont annoncé, dimanche, qu’ils renonçaient à certaines manifestations. Mais est-ce vraiment le début de l'apaisement ? Ou s'agit-il d'une simple trêve avant de violentes représailles ? Voici les trois scénarios, radicalement différents, qui se dessinent pour l'avenir de l'Egypte.

1 L’armée assoit son pouvoir et ne le lâche plus

Après avoir destitué Mohamed Morsi, l’armée, déjà très puissante en Egypte, s’est imposée à la tête de la transition. La nomination du libéral Mohamed El-Baradei à la vice-présidence permettait de contrebalancer son poids. Mais avec la démission de ce dernier, mercredi 14 août, après la violente journée de répression, le pouvoir semble de plus en plus monopolisé par les militaires. L’armée est censée préparer de nouvelles élections libres, pour laisser le pouvoir à un dirigeant élu démocratiquement. Mais est-elle vraiment prête à le faire ?

Certains en doutent et affirment qu’une dictature militaire est déjà en marche. Shadi Hamid, directeur de chercheur au Brookings Doha Center, au Qatar, interrogé par Le Temps, explique : "Le chef de l’armée, le général Al-Sissi, est l’homme le plus puissant du pays. Le gouvernement a rétabli la loi martiale et un couvre-feu, il autorise la police à tirer sur les civils. L’armée a placé des généraux et des policiers à la tête de 19 des 25 gouvernorats égyptiens." Dans le journal Libération, Alexandra Schwartzbrod s'interroge : "Qui peut assurer que cet homme-là redonnera un jour le pouvoir aux civils ?" 

2 Une transition pacifique vers un régime démocratique

Malgré les doutes qui pèsent sur ses réelles intentions, l’armée continue de se montrer rassurante concernant la transition démocratique. Le gouvernement qu’elle a mis en place assure que les Frères musulmans pourront participer aux élections prévues début 2014. Hazem El-Beblaoui, le Premier ministre (sans étiquette) de transition, a toutefois précisé qu'aucune réconciliation ne serait possible avec ceux qui ont "du sang sur les mains". Il a même proposé de dissoudre la confrérie des Frères musulmans, mais le vice-Premier ministre, le libéral Ziad Bahaa El-Din, s'y oppose, explique France Inter

Il y a de "la place pour tous en Egypte", a certifié, dimanche, le général Abdel Fattah Al-Sissi. La réconciliation reste donc envisageable. Elle pourrait être encouragée par les Etats-Unis, s’ils appellent fermement à une transition démocratique. "A moyen terme, et sous la pression américaine, un processus politique supervisé par l'armée se mettra probablement en place pour déboucher sur une démocratie agitée", estime un journaliste du Washington Post, dans un article traduit par Courrier International

3 Le pays s'enfonce dans la guerre civile 

C’est le scénario le plus redouté, mais aussi le plus souvent évoqué. L’Egypte, coupée en deux entre les Frères Musulmans et l’armée, pourrait sombrer dans la guerre civile. "Si les Frères et leurs alliés ne parviennent plus à mobiliser, ils risquent de s’orienter vers d’autres moyens d’action, potentiellement violents", explique le correspondant de Libération (article payant) au Caire.

Après les événements violents de la semaine dernière, "il va être extrêmement difficile de revenir en arrière", avance la chercheuse Tamara Wittes auprès de la radio américaine NPR. Selon elle, un compromis politique sera difficile à trouver entre l'armée, à présent engagée dans la répression, et les Frères musulmans, qui estiment que leurs craintes et leur méfiance vis-à-vis de l'armée étaient justifiées. "Beaucoup d'éléments sont réunis pour que l'Egypte glisse vers la guerre civile"conclut la journaliste du Monde Hélène Sallon.

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