Limitation à 110 km/h sur l'autoroute : pourquoi le gouvernement freine des deux pieds sur cette mesure qui permet de faire des économies de carburant
La Première ministre a écarté cette possibilité, alors que la ristourne sur les carburants va passer mercredi de 30 à 10 centimes.
Rouler à 110 km/h sur l'autoroute, plutôt que 130, pour réduire sa consommation de carburant de 20% ? Cette proposition, déjà évoquée dans le débat public depuis de longues années, a refait surface ces dernières semaines, dans un contexte de flambée des prix à la pompe. Mais l'exécutif a écarté, lundi soir sur BFMTV, l'idée d'"imposer aux Français" de lever le pied pendant leurs trajets autoroutiers, alors que la ristourne sur les carburants va passer, mercredi 16 novembre, de 30 à 10 centimes. La Première ministre, Elisabeth Borne, a ainsi jugé que ce n'était pas "la bonne voie".
Evoquée en 2007 lors du Grenelle de l'environnement, proposée en 2020 par la Convention citoyenne pour le climat (CCC), prônée de nouveau fin octobre par des personnalités dans une tribune publiée dans Le JDD, cette mesure semble avoir trouvé ces derniers mois un nouvel écho auprès des Français. Mais pourquoi le gouvernement refuse-t-il toujours de franchir le pas ?
Une mesure "inflammable"
Quelque jours avant que la Première ministre ne s'exprime, un ministre mettait déjà, en privé, le holà sur les 110km/h, "un sujet inflammable" auquel "le gouvernement ne peut pas toucher", a-t-il expliqué à franceinfo. En écartant la possibilité d'une baisse de la limitation de vitesse, Elisabeth Borne a eu une pensée lundi pour les "gens qui ont besoin de se déplacer sur autoroute et qui ont des contraintes de temps", quand bien même on estime que ce ralentissement se répercute à hauteur de 7 à 8 minutes par heure, pour une économie substantielle de carburant.
"C'est important d'informer sur les économies qu'on peut faire en roulant moins vite et l'intérêt que ça peut présenter pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais on ne peut pas fonctionner à coups d'interdictions", a argué Elisabeth Borne. Une approche pédagogique qui vise à ne pas froisser les Français, alors que les fonctionnaires ont pourtant déjà été priés de passer à 110 km/h lorsqu'ils utilisent des véhicules de service ou de fonction, dans le cadre du plan de sobriété énergétique.
Il faut dire que, de l'aveu même des membres de la CCC, qui avaient plaidé en 2020 – en vain – pour qu'une telle réduction de vitesse soit inscrite dans la loi Climat, cette décision n'a été acceptée par tous les participants qu'au prix d'un effort de pédagogie de la part des experts convoqués devant les 150 citoyens. A l'époque, Elisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique, s'y disait d'ailleurs favorable "à titre personnel".
Le traumatisme du passage de 80 km/h
L'Ademe, qui sonde chaque année les Français sur cette mesure – mettant en avant ces effets bénéfiques sur les émissions de gaz à effet de serre plutôt que les économies réalisées à la pompe –, révélait en 2021 que 42% des Français y étaient favorables. Mais plus récemment, une étude de l'Ifop publiée en juillet affirmait que 63% des personnes intérrogées accepterait de passer à 110 km/h sur l'autoroute "dans le but de réaliser des économies de carburant".
Dans un contexte d'inflation qui met notamment en difficulté les automobilistes, le gouvernement redoute une nouvelle levée de boucliers, marqué par l'expérience amère vécue en juillet 2018 lors du passage de 90 à 80 km/h sur l'ensemble des routes secondaires. Face à la grogne, la règle a dû être assouplie dès 2020. Depuis, près de la moitié des départements ont retrouvé des panneaux "90" sur tout ou partie de leur réseau.
Invité de l'émission Questions politiques sur France Inter le 11 septembre, le ministre délégué aux Transports avait déjà écarté une limitation à 110 km/h, mettant en avant, pour ce genre de texte, "le besoin d'embarquer tout le monde." "C'est ce que nous appelons, dans notre jargon, 'l'acceptabilité essentielle' lorsque nous prenons ce type de mesures", avait expliqué Clément Beaune.
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