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Maladies, décès, insécurité alimentaire... Les conséquences du réchauffement climatique sur la santé mises en évidence par une étude

Le "Lancet" a publié mardi cette analyse annuelle menée par 99 experts issus de 51 institutions, dénonce la trop grande dépendance mondiale aux énergies fossiles, à l'origine du dérèglement climatique, qui entraine des effets délétères sur la santé.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les habitants d'un village de bédouins au nord de Gaza écrasés par la chaleur, le 30 juillet 2022. (MUSTAFA HASSONA / ANADOLU AGENCY / AFP)

La vague de chaleur qui touche l'Europe en ce mois d'octobre semble en être une nouvelle manifestation : le réchauffement climatique frappe déjà la planète. Mais comment mesurer concrètement ses conséquences sur la santé humaine ? C'est la tâche à laquelle se sont attelés une centaine de scientifiques qui publient mardi 25 octobre, leur rapport annuel (en anglais) dans la revue britannique The Lancet (PDF). "La santé [est] à la merci des énergies fossiles", alertent-ils.

"Nous constatons les graves répercussions du changement climatique sur la santé dans le monde entier, tandis que la dépendance mondiale persistante sur les combustibles fossiles aggrave ces effets néfastes", a déclaré au Monde (article pour les abonnés) Marina Romanello, directrice exécutive du projet à l'University College de Londres, qui a supervisé les travaux. En voici les principaux enseignements.

Les populations bien plus exposées qu'avant aux vagues de chaleur

Les scientifiques ont élaboré 43 indicateurs en collaboration avec 51 institutions, notamment l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils passent ainsi au crible des données sur la santé, l'économie, les politiques d'adaptation et les objectifs des Etats pour réduire leurs émissions de CO2.

La conséquence la plus évidente de la crise climatique, l'augmentation des températures, touche de plus en plus de personnes sur la planète, notamment celles les plus à risque. Ainsi, sur la période 2012-2021, les enfants de moins d'un an ont dû affronter en moyenne 4,4 jours de canicule en plus chaque année par rapport à la période 1986-2005. Le chiffre est de 3,2 jours supplémentaires pour les personnes de plus de 65 ans.

Les températures élevées aggravent certaines maladies

Les températures élevées peuvent provoquer des coups de chaleur, mais elles aggravent aussi les maladies cardiovasculaires et respiratoires. Elles entraînent également une détérioration du sommeil et de la santé mentale.

De plus, elles accroissent le risque de maladies infectieuses. Ainsi, la durée de transmissibilité du paludisme s'est allongée de 31,3% dans les zones en altitude d'Amérique du Nord et du Sud entre 2012 et 2021 par rapport à la période 1951-1960.

L'Europe n'est pas non plus épargnée. Elle présente un climat de plus en plus favorable à des maladies véhiculées par les moustiques comme la dengue. Au niveau mondial, le risque de transmission de la dengue s'est ainsi accru de 12% sur la période.

Les fortes chaleurs font bondir la mortalité

Les chercheurs parviennent à évaluer précisément l'augmentation de la mortalité liée à ces vagues de chaleur. Le nombre de décès a cru de 68% sur la période 2017-2021 par rapport à 2000-2004.

"La crise climatique nous tue. Elle nuit non seulement à la santé de notre planète, mais aussi à celle de tous ses habitants (...) tandis que l'addiction aux combustibles fossiles devient hors de contrôle", a réagi le secrétaire général de l'ONU, cité par l'AFP. Antonio Guterres réclame des investissements dans les énergies renouvelables et la résilience climatique. Il y a un an, l'OMS avait estimé qu'entre 2030 et 2050, près de 250 000 décès supplémentaires par an seraient imputables au changement climatique.

L'insécurité alimentaire est aggravée par la sécheresse

En bouleversant la météo, le réchauffement climatique fragilise de plus en plus la sécurité alimentaire. En 2020, 98 millions de personnes de plus souffrent d'insécurité alimentaire par rapport à la période 1981-2010.

Les scientifiques sont parvenus à évaluer les conséquences de l'augmentation des températures sur les cycles des récoltes, de plus en plus courts. Dans une centaine de pays, les scientifiques ont calculé en moyenne 9,3 jours de croissance en moins pour le maïs, 1,7 jour pour le riz, et 6 jours pour le blé.

La sécheresse extrême a touché 29% de zones terrestres en plus sur la période 2012-2021 par rapport à 1951-1960. "La sécheresse fait peser des risques sur la nourriture et l'accès à l'eau, menace l'assainissement, affecte les moyens de subsistance, et augmente le risque d'incendies et de transmission de maladies infectieuses", détaille le rapport du Lancet

Les choix politiques accentuent les crises sanitaires

Les Etats contribuent eux-mêmes à ces crises sanitaires en subventionnant les énergies fossiles, constatent les chercheurs. Ainsi, 69 des 86 gouvernements analysés (soit 80%) subventionnent la production et la consommation de combustibles fossiles, pour un total net de 400 milliards de dollars américains en 2019.

"L'intensité en carbone du système énergétique mondial [secteur qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre] a diminué de moins de 1% depuis que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été établie" (1992) et "au rythme actuel, une décarbonation complète de notre système énergétique prendrait 150 ans", relèvent les chercheurs.

"Les stratégies actuelles de nombreux gouvernements et entreprises enfermeront le monde dans un avenir fatalement plus chaud, nous liant à l'utilisation de combustibles fossiles qui nous ferment rapidement les perspectives d'un monde vivable", déplore à l'AFP Paul Ekins, professeur de ressources et de politiques à la Bartlett School de l'University College London.

Les auteurs appellent donc à une "réponse centrée sur la santé". Ainsi, l'amélioration de la qualité de l'air permettrait d'éviter les décès résultant de l'exposition aux combustibles fossiles, dont le nombre s'élève à 1,3 million pour la seule année 2020. En outre, l'accélération de l'évolution vers des régimes alimentaires végétaux permettrait de réduire 55% des émissions agricoles et d'éviter jusqu'à 11,5 millions de décès annuels liés à l'alimentation.

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