: Reportage À Météo France, le climat social est tendu : "On annonce faire le boulot sur le changement climatique mais c'est de la flûte"
Des salariés de cet établissement public dénoncent un manque de moyens humains et financiers alors que le dérèglement climatique est à l'œuvre. Reportage à Toulouse au sein de la plus grande station de Météo France.
À Toulouse, c'est un véritable campus de Météo France qui accueille plus de 1 200 personnes. Il y a principalement des climatologues et des prévisionnistes comme Maximilien, très sollicité ces derniers jours : "C'est clairement des grosses journées, compte tenu de l'enjeu climatique." Sa passion est toujours intacte, même après vingt ans de métier. Le moral, en revanche, c'est un peu plus compliqué. "On fait un petit peu au jour le jour, raconte Maximilien. C'est une adaptation permanente à la réduction de voilure". Alors que le dérèglement climatique est à l’œuvre, notamment avec la période de sécheresse et les récents records de chaleurs, les prévisionnistes ou climatologues de Météo France expliquent qu'il est de plus en plus difficile de remplir leurs missions.
Un manque de moyen
Les difficultés concernent tout d'abord les effectifs. Ils sont en baisse continue depuis plus de dix ans. "On a perdu un tiers de l'effectif, c'est énorme, déplore Clément Testa, délégué CGT. On a perdu aussi beaucoup de moyens avec plus d'un quart du budget de Météo France qui a été réduit. Aujourd'hui, on est à la limite de pouvoir assurer les missions premières de Météo France qui concernent la sécurité des personnes et des biens. On peut donner l'exemple très concret des cyclones aux Antilles."
"Aujourd'hui, on a un radar aux Antilles qui est en panne. Si on n'a pas les moyens d'aller réparer le radar, de le changer avant la saison cyclonique, ça peut mettre la population en danger."
Clément Testa, délégué CGTà franceinfo
Même constat pour les climatologues, ceux qui anticipent la météo pour les cent prochaines années, essentielles pour anticiper et s'adapter. Et pourtant, "au labo de recherche, on nous a supprimé cinq bourses de thèse", dénonce Gilles qui travaille à Météo France depuis trois ans. "C'est de la recherche en moins dans le futur. On nous dit qu'on met les efforts et qu'on fait le boulot pour le changement climatique. Mais en fait, derrière, c'est de la flûte. Clairement, les moyens ne sont pas mis dessus. On parle essentiellement de moyens humains parce que c'est ce qu'il faut. Il faut des cerveaux qui travaillent dessus, qui savent de quoi ça parle et qui ont une expertise sur le sujet. Météo France serait l'organisme tout approprié à faire ça."
"Je tire un peu la sonnette d'alarme"
C'est aussi ce que pense le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas, auteur d'un rapport paru à l'automne 2021 qui dénonce cette situation à Météo France. "La prévision météo aujourd'hui, ce n'est pas que le besoin de Monsieur Tout-le-monde, explique le sénateur. Il s'agit d'un sujet de sécurité civile qui est aggravé par les effets du réchauffement climatique. Notre opérateur qui est très reconnu dans le monde et parmi les trois meilleurs, doit pouvoir avoir les moyens de se développer pour rester à la pointe des évolutions technologiques. Jusque-là, la France y est parvenue, mais aujourd'hui, on est à un moment où il y a un risque de bascule. Je tire un peu la sonnette d'alarme en disant qu'il est besoin de stabiliser maintenant les effectifs et les subventions de Météo-France." Mais pour l'instant, la tendance est toujours à la baisse. D'ici la fin de l'année, ce sont 60 postes qui seront supprimés.
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