Lanceurs d'alerte : le rapport d'un expert de l'ONU dénonce la répression des militants environnementaux en Europe, et en particulier en France
Blocages de route, occupations d'aéroport, dégradation de sites industriels, interruption d'événements sportifs, jet de soupes sur des œuvres d'art… Les actions de désobéissance civile des militants écologistes se multiplient en Europe afin d'alerter sur le réchauffement climatique et l'avenir de notre planète. Des rassemblements qui, parfois, dégénèrent et peuvent terminer en affrontement avec les forces de l'ordre. C'est dans ce contexte qu'un rapport d'un expert de l'ONU paraît jeudi 29 février, il dénonce la "répression" en Europe contre les militants environnementaux. L'étude porte sur la France, mais également l'Allemagne, la Suisse, le Portugal ou encore l'Italie.
Pour Michel Forst, l'auteur du rapport, cette répression est "une menace majeure pour la démocratie". Dans son texte, il rappelle que se mobiliser pour le climat est un droit, celui à la liberté d'expression et de réunion. L'expert pointe aussi une atmosphère "'de peur et d'intimidation pour les défenseurs de l'environnement" qui, dans de nombreux pays, selon lui, sont menacés, limités dans leurs moyens d'action et bien plus réprimés que protégés. Et après un an d'enquête, il l'affirme, la réponse des États face à ces rassemblements est "disproportionnée". Une précision importante : ce rapporteur spécial des Nations Unies travaille sous l'égide de l'ONU mais ne s'exprime pas au nom de l'institution. Il parle là à propos des personnes qui participent pacifiquement à des manifestations ou à des actions de désobéissance civile.
Une enquête et des sanctions réclamées dans la gestion par les forces de l’ordre de la ZAD de l’autoroute A69
Parmi les pays examinés, la France est citée 25 fois en exemple dans le texte, et pas sous un jour positif. L'action des forces de l'ordre est notamment critiquée. Michel Forst fustige le traitement des manifestants par la police. Il pointe aussi, pour des raisons pas toujours justifiées selon lui, les contrôles d'identité, les verbalisations, les filatures, les perquisitions et même des arrestations par des unités antiterroristes. Mais surtout, il dénonce les violences, notamment les coups sur des personnes au sol et l'usage excessif de gaz lacrymogène et de tirs de LBD.
D'ailleurs, l'expert demande une enquête et des sanctions dans la gestion par les forces de l’ordre de la ZAD de l’autoroute A69, dans le Tarn. "J'ai constaté un certain nombre de dysfonctionnements", relate Michel Forst, invité sur franceinfo jeudi. Il raconte avoir été témoin, sur place, de "traitements cruels, inhumains et dégradants", comme "l'interdiction de ravitaillement en nourriture et en eau potable" ou "la privation de sommeil" des militants. Ces actes sont "contraires à la Convention européenne des droits de l'homme". Il rappelle que son "mandat est bâti sur une convention juridiquement contraignante, et donc les l'États ont l'obligation d'écouter les recommandations et de les mettre en œuvre".
Le préfet du Tarn a réagi dans un communiqué publié jeudi dans lequel il "dément les affirmations de la publication de Michel Forst". Le préfet rappelle qu'il a reçu le rapporteur le vendredi 23 février, pour expliquer l'intervention des forces de l'ordre visant à déloger les manifestants contre l'autoroute A69. Mais selon lui, Michel Forst "n'en a pas tenu compte" dans son rapport.
La justice, les politiques et les médias également pointés du doigt
Mais ce n'est pas tout, Michel Forst s'en prend également à la justice française. D'après lui, de plus en plus de tribunaux ont recours à la détention provisoire pour des manifestants accusés de délits mineurs. Les politiques sont aussi visés, notamment ceux qui qualifient les organisations et militants environnementaux "d'écoterroristes" et les comparent à des organisations criminelles.
"On a entendu des ministres prononcer des mots comme 'écoterroristes', 'talibans verts' ou 'khmers verts', etc, rappelle Michel Forst, invité sur franceinfo jeudi. Ce qui, pour moi, a un impact fort parce que ça vise à criminaliser et stigmatiser les défenseurs, mais également la cause pour laquelle ils se mobilisent. Ce sont en fait des militants non-violents qui demandent simplement aux États de mettre en œuvre des accords internationaux desquels ils font partie." Il cite d'ailleurs la tentative du gouvernement de dissoudre les Soulèvements de la Terre, qu'il décrit comme "un mouvement citoyen environnemental".
Enfin, les médias ont aussi une part de responsabilité. Selon le rapporteur, ils se concentrent trop sur les perturbations liées aux manifestations et pas assez sur les raisons de la colère, ce qui, au final, contribue à mettre en danger les militants et peut d'ailleurs dissuader les citoyens de se mobiliser.
Des actions illégales mais légitimes selon le rapporteur
Michel Forst justifie certaines actions des militants écologistes. "Certaines actions illégales sont légitimes, dit-il. Elles sont illégales parce que c'est enfreindre la loi que de bloquer l'accès à un aéroport ou à une autoroute. Mais c'est pourtant légitime parce que je pense que l'urgence est là et qu'ils veulent attirer l'attention sur le fait que les États n'en font pas assez." Il rappelle que "la désobéissance, c'est un concept qui n'est pas nouveau, et qui est couvert et protégé par le droit international et les droits de l'homme". "La désobéissance civile doit être mieux prise en compte et protégée par la police et le système judiciaire", demande Michel Forst.
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