"On risque d'arriver à un désastre écologique" : des salariés obligés de dépolluer leur usine à risque après l'abandon du propriétaire
Alors qu'ils n'ont aucune garantie sur leur salaire, ces employés évacuent petit à petit les 600 tonnes d'ammoniac, pour éviter une pollution très dangereuse du secteur. Le groupe propriétaire s'est désengagé.
C'est une immense sphère blanche, qui se voit de loin. Dernière relique chimique du site de Maxam Tan, elle contient encore près de 600 tonnes d'ammoniac, un produit hautement toxique qui pourrait, en cas de fuite, menacer les riverains sur plusieurs kilomètres à la ronde. Depuis un peu plus d'un mois, ce sont les employés qui portent la responsabilité de la mise en sûreté. L’entreprise Maxam Tan a été placée en liquidation judiciaire au début de l’année, et en attendant d’être mis à la porte, les employés évacuent l’ammoniac pour assurer la sécurité, sans garantie pour leur salaire.
Nous sommes à Mazingarbe, près de Lens (Pas-de-Calais). Cette usine, classée Seveso "seuil haut", avec des centaines de tonnes d’ammoniac, a été abandonnée par son propriétaire. Le groupe espagnol Maxam Corp, tenu par des capitaux américains, s'est totalement désengagé, estime Stéphane Hugueny, responsable inspections dans l'usine : "Ils ont fui leurs responsabilités. Ils ne sont jamais venus depuis huit mois sur le site." Pour lui, le propriétaire leur fait payer une double peine : social et de sûreté. "La responsabilité, la sécurité, la sûreté appartient encore à Maxam Corp, le groupe, celui qui nous met à la rue."
"L'expression qu'on utilise assez souvent ici, c'est que non seulement on creuse notre tombe, mais qu'en plus, on participe à notre propre enterrement."
Stéphane Hugueny, salarié de Maxam Tanà franceinfo
L'activité des 72 employés se concentre donc depuis un mois sur la surveillance et l'évacuation du produit chimique. Mais la procédure prend du temps et la trésorerie, qui permet de payer encore les employés pour cette dernière activité, est limitée. Un compte à rebours pour les salariés, explique Lionel Mansuy, responsable d'exploitation : "On ne gère pas du tout le calendrier des enlèvements de produits, ça, c'est un de nos partenaires qui le fait et la trésorerie s'épuise de jour en jour. Donc, il y a un moment où la trésorerie sera vide. On ne pourra plus payer nos salaires et on n'est pas des bénévoles."
L'État et la région ont tenu une réunion la semaine dernière, mais l'adjoint au développement sur la commune de Mazingarbe, Philippe Dutkiewicz, regrette le manque d'implication aux côtés des employés : "On est quand même désespérés, un pour ces salariés et deux surtout pour la sécurité. On risque d'arriver à ce qu'on appelle un désastre écologique, puisqu'on les a complètement abandonnés." Le ministère de l'Industrie a écrit aux dirigeants pour demander des garanties et signalé la situation sociale au parquet. Les salariés, eux, estiment qu'il leur faut encore plus d'un mois et demi pour sécuriser le site. Ils tentent d'obtenir des garanties sur les capacités de paiement et surtout sur le plan de sauvegarde de l'emploi, qui est, pour l'instant, à leurs yeux, inexistant.
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