"Si on veut, on peut : l'agriculture produisait déjà avant qu'existe le glyphosate", plaide un avocat de victimes de l'herbicide

Le principe de précaution doit prévaloir, insiste l'avocat alors que les 27 sont de nouveau consultés jeudi sur la question du renouvellement de l'autorisation du glyphosate pour dix ans au sein de l'Union européenne.
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La Commission européenne à Bruxelles (Belgique). (NOÉMIE BONNIN / RADIO FRANCE)

"Si on veut, on peut : l'agriculture produisait déjà avant qu'existe le glyphosate", plaide jeudi 16 novembre sur franceinfo Me Guillaume Tumerelle, avocat de droit rural et des questions agricoles, qui défend plusieurs victimes de l'herbicide. Les États membres de l'Union européenne doivent se prononcer dans la journée sur la reconduction de l'autorisation du glyphosate pour 10 ans. Pour l'avocat, il est possible de trouver des alternatives à ce produit qui est nocif.

franceinfo : Des rapports scientifiques et des associations pointent la dangerosité de l'herbicide, soupçonné d'être cancérogène et d'accélérer les maladies dégénératives. Vous faites partie de ceux qui considèrent qu'il faut impérativement s'opposer à cette prolongation ?

Guillaume Tumerelle : Tout à fait. Il y a un très grand nombre d'études scientifiques à ce sujet, il y a des reconnaissances de maladies professionnelles assez régulières qui démontrent que ces produits provoquent des maladies. Le glyphosate a été classé cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le cancer, qui est un organisme qui dépend de l'OMS. C'était déjà le cas lors du dernier renouvellement et ça avait d'ailleurs choqué l'opinion publique qu'on réautorise un produit classé cancérigène probable par l'OMS.

Le ministre de l'Agriculture disait sur franceinfo qu'on a une agence indépendante, l'Anses, qui ne s'oppose pas au glyphosate. Qu'est-ce-que vous lui répondez ?

Il y a un problème de méthodologie et de réglementation européenne. Elle prévoit que lorsqu'on reconduit ou qu'on autorise une substance active, comme le glyphosate, il faut se baser sur toutes les études scientifiques qui concernent la substance active, mais aussi tous les produits composés à partir de cette substance active. Aujourd'hui, l'Agence européenne et l'Agence française écartent toutes les publications sur le produit complet, composé d'une partie de glyphosate et d'autres substances qui rendent le produit jusqu'à 10 000 fois plus toxiques. On ne retient que les études portant sur la molécule toute seule, et donc on écarte un grand nombre d'études, notamment universitaires, pour ne se concentrer que sur les études industrielles qui ne portent que sur la substance active, qui en elle-même, est moins toxique que les produits complets qui sont commercialisés.

Donc il faut pousser les études plus loin, les élargir ?

Tout à fait, d'ailleurs aujourd'hui, il y a un arrêt de la Cour européenne qui a été rendu, le 1er octobre 2019, qui prévoit que les évaluations doivent tenir compte des effets cocktails, donc des effets des produits les uns avec les autres, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Les défenseurs du glyphosate disent que si vous utilisez ce produit en suivant bien le mode d'emploi, les consignes, alors il n'y a pas de danger prouvé...

C'est tout à fait discutable puisqu'aujourd'hui, vous avez des dizaines de reconnaissances de maladies professionnelles, vous avez des commissions d'indemnisations qui commencent à indemniser les victimes, donc s'il y a des victimes, c'est bien qu'il y a un souci, ce ne sont pas uniquement des personnes qui ont mal utilisé les produits.

Vous pointez une contradiction : en France, on indemnise les victimes, mais on ne reconnaît pas de lien de causalité avec le glyphosate ?

La difficulté en France, c'est que c'est à la victime d'apporter la preuve du lien de causalité, et au niveau de l'État, il n'y a pas d'études suffisantes, on sous-évalue les produits toxiques. L'expertise et les frais des expertises portent sur les victimes.

Pour vous, le principe de précaution doit prévaloir ?

Bien sûr, il est prévu dans la Constitution française et la Constitution européenne et l'État doit le respecter.

Les agriculteurs disent qu'il n'y a pas d'alternatives ?

Là aussi, il y a plusieurs positions. Il y a eu des études sur les alternatives, notamment par l'Inrae il y a quelques années, qui démontrent qu'il existe de nombreuses alternatives. Si on veut, on peut ; l'agriculture produisait déjà avant qu'existe le glyphosate, cela n'empêche pas d'exploiter.

Est-ce-qu'il y a des recours possibles si le glyphosate est reconduit ?

Il y a des recours qui sont malheureusement limités, devant la Cour de justice de l'Union européenne, qui est assez fermée sur les recours d'associations ou de particuliers. Mais je suis déjà mandaté, par des députés européens, des associations, des collectifs, des victimes, pour engager cette procédure, un recours d'annulation, si la réautorisation était prononcée.

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