Toilettes sèches : une fois passé "le facteur beurk..."
C’est finalement une solution vieille comme le monde et qui tente de se redévelopper, y compris en ville. Direction le premier immeuble de bureaux en France qui a installé des toilettes sèches. C’est à Paris, au siège de la fondation caritative Charles Léopold Mayer. A priori, quand on pousse la porte, aucune différence… Matthieu Calamé est le directeur de cette fondation suisse pour le progrès et l’homme. C’est lui qui a voulu ces toilettes pour moins polluer, puisqu’au lieu d’une cuvette pleine d’eau, il y a un trou noir… Et pas la peine de tirer la chasse en partant… "Comme la soufflerie, au lieu d'aspirer et donc de faire remonter les odeurs dans les toilettes, les font descendre, vous avez beaucoup moins d'odeurs que dans les toilettes humides ", explique-t-il.
Juste en dessous du lieu d’aisance, caché dans un local technique, se trouve le conteneur rempli de sciure et des matières laissées par les utilisateurs des toilettes. Chaque mois, Mathieu Calamé assure l'entretien mensuel. Pour l'instant, c’est lui qui assume cette partie peu ragoûtante du travail. Il a quelques années devant lui pour trouver une destination finale à l’humus que l’immeuble produira…"On n'a pas complètement résolu la question de l'humus. Avec le jardinage en ville qui revient, on pourrait imaginer d'utiliser cet humus en lien avec des jardins publics ou des jardins de particuliers. On aurait pu installer notre petite production de tomates hors-sol sur notre humus ", s'amuse le directeur de la fondation.
Quelles filières de valorisation ?
Sylvain Réau est l’installateur des toilettes sèches de la fondation. Il a plusieurs arguments pour vanter les avantages de ses cabines, à commencer par l'absence de chasse d'eau : "Cela s'utilise comme des toilettes classiques, la seule différence, c'est qu'on n'a rien à faire en sortant ."
Une quarantaine de projets se font chaque année. Beaucoup dans des maisons de particuliers mais aussi dans des écoles. Reste à trouver les filières de valorisation : "Elles sont techniquement existantes en France, mais très peu développées ", regrette Sylvain Réau. "Et puis il y a le facteur 'beurk', qui fait que certains exploitants de filières ont du mal à accepter qu'on amène des matières fécales d'origine humaine sur des plateformes de compostage ."
Et pourtant, cela donne un engrais naturel pour les cultures, donc moins de produits chimiques, moins d'émission de CO2, et surtout moins d’eau. L’immeuble a divisé par deux sa consommation d’eau. Mais pour faire passer la pilule en douceur, la fondation a aussi gardé des toilettes à eau, histoire de ne pas dégouter tout de suite la dizaine de salariés qui y travaille, comme Aline : "A l'origine, j'étais très réticente, je craignais qu'il y ait des mauvaises odeurs. Je pensais que je ne les utiliserai pas. Et puis j'ai essayé, et en fait je trouve cela assez agréable, et c'est aussi en accord avec mes convictions écologiques ."
Loin de la caricature du trou au fond du jardin, ces toilettes sont aussi destinées au grand public. Certaines communes prévoient aujourd’hui d’en installer dans la rue, et pas sûr que l’on s’aperçoive de la différence.
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