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Quatre questions sur la pyrale du buis, cet insecte asiatique qui ravage la végétation française

Les chenilles particulièrement voraces de ce papillon nocturne, qui pourrit la vie des riverains, ne se nourrissent que de feuilles de buis.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un buis dévasté par la pyrale à Drom, dans l'Ain, le 19 juillet 2017. (MAXPPP)

C'est la nouvelle plaie des jardiniers français. La pyrale du buis, un papillon venu d'Asie et dont la chenille dévore uniquement les buis, a envahi toute la France, causant des dégâts parfois spectaculaires. Elle ravage les paysages du Tarn ou d'Ardèche, oblige le jardin des plantes de Rouen à fermer ses portes, et son papillon infeste des maisons, comme celle d'une malheureuse habitante du Lot. En 2016, l'espèce nuisible avait déjà été détectée dans quasiment tous les départements de l'Hexagone.

Franceinfo a interrogé Maxime Guérin, chargée d'études à l'association Plante & Cité, qui coordonne un programme de recherche sur la pyrale. Et vous explique tout sur ce fléau et comment le combattre.

Comment la pyrale du buis a-t-elle envahi la France ?

Avant de terroriser les jardiniers français, on trouvait la pyrale du buis en Asie orientale – Japon, Chine et Corée. Elle a été observée pour la première fois en France en 2008, en Alsace, un an après son apparition en Allemagne. Depuis, le nombre d'individus a explosé. Plante & Cité, une association qui travaille avec des gestionnaires d'espaces verts, est pour la première fois alertée du problème en 2012, explique Maxime Guérin. L'année suivante, elle est signalée dans 52 départements, puis 71 en 2014 et 86 en 2015, selon les données de l'association"Le boom s'est vraiment produit en 2015 dans les jardins", explique la chargée d'études, "et en 2016 dans les espaces naturels." L'Alsace, riche en buissons naturels, est très touchée, tout comme les régions Paca, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, sans oublier l'Ile-de-France, où sont concernés surtout les jardins des monuments historiques.

Une chenille de la pyrale du buis. (MAXPPP)

"En France, on ne sait pas si elle est arrivée de proche en proche" en se propageant en Alsace depuis l'Allemagne, "ou par l'introduction de buis importés", explique Maxime Guérin. Quoi qu'il en soit, ce sont des buis asiatiques qui lui ont permis d'arriver en Europe. Car l'expansion de la pyrale ne se fait "pas tant par une dispersion naturelle" que par l'achat de buis contaminés. "Le buis est une plante fréquemment achetée, souvent par des particuliers dans des enseignes pas forcément spécialisées, parfois dans des pays d'Europe peu fiables en terme de protection sanitaire, détaille la chargée d'études. L'ampleur du marché fait qu'il y a eu des introductions multiples."

Rien à voir, donc, avec un insecte comme le frelon asiatique, dont une seule femelle peut suffire à coloniser un pays. C'est en se dissimulant dans des arbustes que la pyrale du buis, capable de voler jusqu'à dix kilomètres, continue de se propager en France.

Quel est son impact sur les buis ?

La pyrale du buis n'est pas tant nuisible pour les plantes sous sa forme de papillon que lorsqu'elle est à l'état de chenille. Particulièrement vorace, elle laisse derrière elle des jardins ravagés et des sous-bois complètement déforestés. L'effet peut être très soudain : "Il peut n'y avoir plus aucune feuille en quinze jours", signale Maxime Guérin, surtout si la colonisation de la plante a commencé l'année précédente et que la pyrale a déjà pu se multiplier. Les dégâts peuvent aller jusqu'à la mort du buis infesté : "Quand il n'y a plus de feuilles, les chenilles finissent par ronger l'écorce. Dans ce cas, la plante a du mal à s'en remettre."

Outre l'impact sur les jardins, la pyrale du buis devient facteur de risque lorsqu'elle s'attaque à des buis sauvages. En les dévorant, elle fragilise les sols, ce qui peut provoquer des éboulements, et crée des zones sèches dans les sous-bois, favorables aux départs de feu.

Une pyrale du buis à l'état de papillon dans le jardin du château de Grignan, dans la Drôme, le 7 septembre 2016. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Sous sa forme de papillon, la pyrale ne mange plus de buis mais n'en reste pas moins une calamité. "Dans le Sud, on observe des nuages entiers de papillons", détaille Maxime Guérin. "Ils sont attirés pas la lumière et risquent de rentrer chez vous. Ils ne sont pas urticants, ne présentent aucun problème pour la santé, mais c'est pénible." Ces nuées d'insectes sont, en revanche, dangereuses pour les conducteurs : "C'est comme sous la neige, il faut mettre les essuie-glaces."

Pourquoi la pyrale est-elle si difficile à combattre ?

La première difficulté est de savoir si le buis a été infecté. Car la pyrale commence à dévorer les arbustes de l'intérieur vers l'extérieur. "En général, quand les effets sont visibles à l'extérieur, c'est un peu tard", indique Maxime Guérin. "La seule solution est de mettre la tête dans le buis."

Leur progression s'explique aussi par leur capacité reproductrice. La pyrale, dont les œufs n'éclosent pas l'hiver, peut se reproduire entre deux et quatre fois par an en France, selon le climat de la région où elle se trouve. Une femelle pond en moyenne 800 œufs à chaque fois, la population peut donc exploser en peu de temps.

Pourtant, dans les pays d'Asie dont elle est originaire, la pyrale du buis ne pose pas de problème. Contrairement à la France, elle y a en effet des prédateurs qui contribuent à réguler sa population.

Comment peut-on s'en débarrasser ?

Les deux principales solutions pour combattre la pyrale du buis se trouvent dans le commerce, indique Maxime Guérin. Un insecticide biologique comme le bacille de thuringe permet de lutter contre les chenilles, mais il est plus efficace quand ces dernières sont jeunes. "Il faut agir dès que les chenilles se réveillent", précise la chargée d'études, c'est-à-dire au début du printemps, vers mars-avril, quand la première génération éclôt. "Si ce traitement est bien fait et que les voisins le font aussi, on peut tenir jusqu’à la fin de la saison. En revanche, si on a loupé ce premier cycle, la population explose et on risque de ne plus arriver à tout tuer."

Une autre arme efficace contre la pyrale du buis, ce sont les pièges, qui attirent les papillons à l'aide de phéromones. "L'action est limitée sur la population", prévient Maxime Guérin, mais permet de constater la présence de l'insecte et, en observant la période où ils sont les plus nombreux, de déterminer quand appliquer l'insecticide : "On sait qu'au moment du pic de vol, il faudrait traiter quinze jours plus tard." Vous pouvez également acheter des trichogrammes, des parasites qui s'en prennent aux œufs de pyrales.

Un massif de buis ravagé par les chenilles de la pyrale du buis, dans le parc du château de Grignan (Drôme), le 7 septembre 2016. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Si toutes ces solutions peuvent sauver des jardins, une partie du problème subsiste avec les buis sauvages. Intervenir sur ces plantes "ne demande pas du tout les mêmes moyens financiers et humains, déplore Maxime Guérin. A des échelles comme ça, ce n'est pas tout gérable." Ces zones finissent donc par devenir "des réserves" pour l'insecte, qui peut coloniser à nouveau les jardins voisins – et le cycle infernal recommence.

Pour en finir avec ce nuisible, la solution la plus efficace est d'attendre que la nature s'en charge, comme en Asie. Cela prendra du temps, mais "la nature apprend". "Les oiseaux voient cette nouvelle chenille apparaître, ils s'en méfient, puis commencent à la goûter, et si elle est digeste, finissent par la manger", explique la spécialiste. "Cela fait deux-trois ans que l'on constate des cas de consommation par des mésanges ou des geais." A terme, on peut donc espérer que la pyrale du buis devienne une proie habituelle de nos oiseaux. En attendant, Maxime Guérin mise encore sur "quatre ou cinq années catastrophiques".

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