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Qui est Martin Schulz, le social-démocrate qui menace Angela Merkel?

Plutôt rond, plein d’humour, barbu et francophone… mais surtout candidat du SPD allemand contre Angela Merkel pour les législatives de septembre prochain, Martin Schulz menace la toute puissante patronne de l’Allemagne dans les sondages. Dans cette campagne, la force de Martin Schulz réside beaucoup dans le fait qu’il apparaît comme un homme neuf malgré une déjà longue carrière politique.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Martin Schulz, candidat du SPD (socialistes) pour le poste de chancelier en Allemagne. (CHRISTIAN CHARISIUS / DPA)

Agé de 61 ans (il est né en décembre 1955), Martin Schulz est donc le candidat du SPD à la chancellerie lors des législatives de septembre 2017, auxquelles se représente aussi Angela Merkel, pour la CDU.

Il est surtout connu des Allemands pour avoir été député puis président du Parlement européen dont il a opportunément démissionné en janvier 2017… pour remplacer le peu populaire vice-chancelier Sigmar Gabriel dans la course au pouvoir. L’effet semble immédiat. Dans certains sondages, le SPD se retrouve devant la CDU…

La grande force de Martin Schulz est d'apparaître comme un homme neuf dans le jeu politique allemand. Il n'a été ni membre du Bundestag, ni du gouvernement d’union nationale. Il pousse même la nouveauté à critiquer certains aspects de la politique Schröder, dont les conséquences socialement difficiles sont toujours mal vécues par une partie des électeurs de la gauche allemande.   

«Nous avons fait des erreurs»
En pleine campagne électorale, il fait son devoir d'inventaire: «Nous aussi, nous avons fait des erreurs», a-t-il lancé lors d'une réunion devant des militants en dépeignant une situation catastrophique pour les salariés dans le pays, avant d'ajouter: «L'important lorsqu'on voit qu'on a fait des erreurs, c'est de les corriger.»

«Martin, mon amour» clame ce panneau énamouré (SEBASTIAN WILLNOW / DPA)

L'ancien président du Parlement européen s'attaque ainsi à un totem de la social-démocratie allemande en critiquant les réformes d'inspiration libérale du marché du travail menées par l'ancien chancelier du SPD Gerhard Schröder entre 2003 et 2005. Ces mesures connues sous le nom d'«Agenda 2010» ont été longtemps portées comme un étendard par le SPD. Incluant baisse des prestations et pression accrue sur les chômeurs pour retourner au travail, ces réformes sont souvent présentées comme ayant permis à l'Allemagne de sortir du marasme économique et de faire baisser son taux de chômage à un niveau encore aujourd'hui historiquement bas.

Le candidat SPD à la chancellerie promet un rallongement de la durée des allocations chômage, davantage de retraites garanties ou la quasi-suppression des contrats à durée déterminée au profit de durées indéterminées.

Melenchon ou Hamon d'outre-Rhin?
Du Mélenchon ou du Hamon? Quasiment. Entre son image d’homme nouveau et sa critique de la politique de l’union nationale, Martin Schulz enfourche un discours qui fonctionne à gauche. Il rejoint ainsi, dans les propos, les autres gauches européennes, qui semblent laisser tomber leurs positions «sociales libérales» qui les ont envoyées dans l’opposition. On évoque même la possibilité d'une coalition rose-rouge en Allemagne... même si le sujet reste largement tabou en Allemagne. Dans le parti die Linke, on apprécie les ouvertures à gauche du candidat du SPD. «Si le SPD s'engage sérieusement à mener une politique plus sociale, ce n'est pas à cause de nous que ce projet échouera», affirme Sarah Wagenknecht, une des dirigeantes du parti «rouge» allemand.


Homme nouveau peut être… mais surtout homme d’expérience. Martin Schulz n'a rien d'un homme politique sorti de nulle part. A l'âge de 19 ans, il adhère au SPD. En 1984, il est élu au conseil municipal de Würselen, puis, en 1987, à la tête du conseil municipal. Il restera bourgmestre de la ville jusqu'en 1998. A à peine 31 ans, Martin Schulz est alors le plus jeune bourgmestre de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans une ville située à la limite des Pays-bas et de la Belgique. 

Est-ce son tropisme européen qui le conduit en 1994 à devenir député européen? En tout cas, le poste lui plaît et il est réélu en 1999, 2004 et 2009. 

Autodidacte, ex-alcoolique et francophone
A ce poste, il conquiert une renommée certaine, grâce aux attaques dont il est l'objet... Silvio Berlusconi, qu'il avait critiqué, le traite de kapo: «M.Schulz, je sais qu’en Italie il y a un producteur qui est en train de monter un film sur les camps de concentration nazis. Je vous proposerai pour le rôle de kapo. Vous êtes parfait!»

Même cause, même effets. Pour avoir mis en cause Jean-Marie Le Pen, le chef du FN lance: «M.Schulz, qui est le président du groupe socialiste au Parlement, est un monsieur qui a la tête de Lénine et parle comme Hitler...» Des insultes dont il se serait bien passé, mais qui le mettent en lumière. «Un acteur madré», dit de lui le journaliste Jean Quatremer, spécialiste de l’Europe à Libération. «Truculent et gouailleur, autoritaire et parfois brutal, mais aussi avenant et cultivé», détaille la journaliste franco-allemande, Sabine Syfuss-Arnaud. 

A la tête des sociaux-démocrates du Parlement, celui qui a aujourd’hui un discours marqué à gauche… fait élire, en accord avec les conservateurs, Barroso pour un deuxième mandat à la tête de la Commission européenne en 2009. Grâce à cet accord qui permet à l'Assemblée européenne de fonctionner, il peut devenir président du Parlement européen en 2012. Poste qu’il exerce donc jusqu’à sa démission en 2017. Si aujourd'hui, le candidat SPD parle d'une Europe plus solidaire, en évoquant la Grèce, il n'hésitait pas à fustiger «les demandes grecques début 2015», rappelle La Tribune.

Rien pourtant ne promettait au jeune Martin Schulz cette ascension politique. «Le jeune Martin est tout sauf sage. Renvoyé de son lycée catholique pour avoir redoublé deux fois, il est un adolescent coléreux, qui ne songe qu’au foot. Sa carrière de footballeur quasi professionnel prend fin à la suite d’une grave blessure. Martin Schulz a 20 ans et sombre dans l’alcoolisme», raconte Le Temps dans un portrait qui lui est consacré. «A 20 ans, j’étais le jeune homme le plus déjanté de toute l’Allemagne… Le pire, c’était d’avoir chaque jour le sentiment d’avoir échoué», dira-t-il au sujet de ses tentatives d’abord vaines pour sortir de l’alcool.


C’est donc à cet autodidacte (il n’a pas son bac), qui s’est brillamment relevé d’une jeunesse difficile, devenu un temps libraire, militant puis apparatchik du parti, parlant plusieurs langues, qui a vécu un temps à Bordeaux où il a appris le français, que le SPD a confié sa survie. Un choix qui au vu des derniers sondages semble se révéler gagnant.

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