Reportage "C'est une tendance qui va durer" : en Allemagne, la consommation de bière en baisse met les brasseurs en difficulté

Les Allemands boivent de moins en moins de bière. Certaines brasseries ferment, d'autres se réinventent.
Article rédigé par franceinfo
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Stefan Fritsche, patron de la brasserie de Neuzelle, près de la frontière polonaise, qui produit des bières d’abbaye. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO)

Outre-Rhin, le symbole par excellence de l’Allemagne est à la peine. La consommation de bière a baissé de 4,5% en 2023. Avec 84 millions d’hectolitres, le niveau de production reste plus qu’honorable mais la tendance est bel et bien installée : année après année, la consommation diminue. Pour les 1 500 brasseries allemandes, la situation est compliquée : certaines ont fait faillite, les autres doivent se réinventer pour continuer à exister.

À l’heure de la sortie des bureaux, les bars du quartier branché de Friedrichshain, à Berlin, font le plein. Sur les tables et au comptoir, beaucoup de bières évidemment, mais pas seulement. Vanessa a choisi une boisson sans alcool : "Tout est devenu cher, je suis étudiante et il ne me reste plus énormément d’argent pour les loisirs. Et puis, je commence à me préoccuper davantage de ma santé : depuis six mois, je fais beaucoup de sport, je fais plus attention à ce que je mange et je bois moins de bière", explique-t-elle. "Avant, je pouvais boire 5 à 8 bières, renchérit Rudi, j’ai diminué et je suis maximum à 3 bières quand je sors le soir… J’ai 53 ans et je n’ai pas envie de marcher avec une béquille quand j’aurai 60 ans ou d’avoir un foie abîmé."

Le "sans alcool" devient tendance

Bière sans alcool, kombucha, thé vert, jus de légumes… Les adeptes de la sobriété ont de plus en plus l’embarras du choix, et le sans alcool s’installe, remarque Nicole Klauss, sommelière à Berlin. "Les gens font attention à leur corps. Ils boivent moins d'alcool, mangent moins sucré, mange moins de la viande. Et je crois que c'est une tendance qui va durer, analyse-t-elle. Si vous regardez la presse, il y a beaucoup, beaucoup d'articles sur le 'sans alcool', 'Buvez moins'. Et il y a de plus en plus de magasins qui vendent des whiskies, du rhum, des gins, des vins sans alcool", énumère Nicole Klauß.

"Maintenant vous avez des restaurants sans alcool."

Nicole Klauss, sommelière à Berlin

à franceinfo

Ces changements d’habitude ne font pas vraiment les affaires des brasseurs, déjà fragilisés par la crise du Covid, puis par la flambée des coûts de production. Des surcoûts difficiles à amortir, regrette Holger Eichele, le directeur général de la Fédération des brasseurs : "Le commerce utilise les prix bon marché de la bière pour attirer les gens dans les magasins, et les brasseries ne peuvent pas s'y opposer de peur que leurs produits soient retirés des rayons. Dans de nombreux cas, le prix du pack de bières n'a presque pas changé ces 30 dernières années", rappelle-t-il.

S'adapter au marché

Six millions de bouteilles de bière d’abbaye sortent chaque année des chaînes de la brasserie de Neuzelle, près de la frontière polonaise. Face aux changements du marché, le directeur Stefan Fritsche, s’est adapté : "Nous proposons aujourd'hui dix produits différents qui sont sans alcool et il se peut qu'un jour nous produisions 60 à 70% de boisson sans alcool et seulement 30% avec alcool. Il faut réagir de manière flexible au marché. C'est la seule chance de survie pour les petites brasseries", prophétise-t-il.

Malgré la baisse de la consommation, l’Allemagne reste le premier producteur européen de bière. Les brasseurs misent maintenant sur l’Euro de football pour relancer les ventes. La compétition aura lieu cet été en Allemagne. En 2006, le pays avait accueilli la Coupe du monde et la consommation de bière avait atteint un niveau record, jamais égalé depuis.

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