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Autriche: nouvelle législation pour un «islam européen»

Le Parlement autrichien a adopté à une large majorité, le 25 février 2015, une nouvelle loi sur l’islam. Le texte, préparé depuis deux ans, interdit notamment le financement étranger des imams et exige qu’ils maîtrisent l’allemand. Vienne entend ainsi éviter les dérives radicales et promouvoir un «islam européen».
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Alev Korun, députée turque au Parlement autrichien, lors du débat sur l'islam, le 25 février 2015. (Hasan Tosun / Agence Anadolu)

L’initiative autrichienne, préparée depuis deux ans, est suivie de près par plusieurs pays européens. Le nouveau texte, présenté par le gouvernement de grande coalition gauche-droite au pouvoir à Vienne, modernise sa précédente «loi sur l’islam» promulguée en 1912, après l'annexion de la Bosnie-Herzgovine par l'empire austro-hongrois.

La loi stipule que les quelque 450 organisations musulmanes du pays devront désormais faire preuve d'une «approche positive de la société et de l'Etat» pour être agréées. Les associations et les mosquées d'Autriche ne pourront ainsi plus recevoir de fonds étrangers. Idem pour les quelque 300 imams que compte l'Autriche, dont 65 sont rémunérés directement par la Turquie.

Nourriture halal
Sur une population de 8,5 millions de personnes, l'Autriche compte 560.000 musulmans, majoritairement d'origine turque et bosniaque, mais aussi tchétchène et iranienne. Tous pourront, pour la première fois, disposer d'aumôniers dans l'armée, les hôpitaux, les maisons de retraite et les prisons, ainsi que le droit à une nourriture halal, y compris à l'école publique. Les salariés musulmans pourront également s'absenter pour les fêtes religieuses.

Le ministre conservateur de l’Intégration autrichien, Sebastian Kurs, a estimé que cette nouvelle loi pourrait servir d'exemple à une future législation européenne, assurant avoir déjà été approché «en Allemagne, en France et en Suisse».

Mais pour Mehmet Görmez, le principal dignitaire de l'Islam sunnite en Turquie, cette nouvelle législation représente «une régression de 100 ans», assurant que «pas un seul incident» n'avait été à déplorer concernant l'enseignement turc de l'islam.

La principale fédération musulmane IGGiÖ, qui se voit dotée d'un rôle institutionnel, a approuvé le texte avec des réserves. Plusieurs autres organisations ont vu dans ces mesures, censées renforcer le contrôle de l'Etat et limiter l'influence étrangère, une «discrimination», la restriction des financements étrangers ne ciblant qu'une seule communauté religieuse en Autriche. 

Première mouture contorversée 
Une première mouture du texte, très controversée, prévoyait notamment d'imposer une traduction «officielle» et uniforme du Coran, en langue allemande. M.Kurs avait justifié ce choix afin d'éviter les «mauvaises interprétations», notamment celles susceptibles de «promouvoir l’extrémisme»
 
Deux cents résidents autrichiens, dont des femmes et des enfants, auraient rejoint les rangs djihadistes en Syrie et en Irak, selon des estimations. Dans un récent sondage de l'institut OGM, 58% des Autrichiens disent avoir constaté une «radicalisation» des musulmans en Autriche même. Les autorités autrichiennes avaient activé en décembre 2014 un numéro d'urgence pour empêcher le départ des candidats au dijihad.

Le parti de d'extrême droite FPÖ a qualifié ce toilettage législatif de loi «placebo» qui ne réduira pas, selon lui, les risques d'endoctrinement. Face à la radicalisation de certains jeunes, plusieurs pays voisins, dont la France, veulent également maîtriser le financement des imams par des fonds étrangers.

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