Bulgarie : pourquoi la population veut-elle faire tomber le gouvernement ?
Depuis la mi-juin, les Bulgares protestent tous les jours contre leur gouvernement. Une manifestation a dégénéré à Sofia mardi, faisant une vingtaine de blessés. Francetv info décrypte les raisons de leur colère.
Voilà 40 jours que les Bulgares battent le pavé pour réclamer la démission de leur gouvernement, pourtant fraîchement nommé. Après moins de deux mois passés à la tête du pays, le Premier ministre Plamen Orecharski, et avec lui la stabilité politique de la Bulgarie, sont en danger.
Mardi 23 juillet, 3 000 manifestants ont défilé dans les rues de Sofia, la capitale. Jusque-là, l’ambiance de la contestation était bon enfant, mais pour la première fois, la protestation a dégénéré. Les manifestants ont assiégé le Parlement avant des affrontements avec les forces de l’ordre. Bilan de la soirée : 20 blessés, dont trois policiers. Les Bulgares se soulèvent contre ce qu'ils estiment être un système mafieux. Francetv info décrypte les raisons de leur colère.
Parce que les Bulgares n'ont plus confiance en la classe politique
Au lendemain de la formation du gouvernement, à la fin du mois de mai, le Premier ministre sans étiquette Plamen Orecharski annonce la nomination du magnat des médias Delyan Peevski comme directeur de l’Agence de sécurité nationale. Un poste qui lui donne accès à un nombre considérable de données confidentielles. L'affectation de ce député met le feu aux poudres en Bulgarie. L'homme, député du parti de la minorité turque, est controversé, réputé pour ses liens avec le crime organisé.
Or, peu de temps avant cette nomination, l'Agence de sécurité nationale a récupéré dans le giron de ses compétences la Direction générale pour la lutte contre la criminalité organisée. Un mélange des genres que les Bulgares n'apprécient guère, poussant le Premier ministre à revenir sur sa décision, comme l'explique la BBC (en anglais). Le 19 juin, Plamen Orecharski fait son mea culpa : "J'ai fait une faute politique pour laquelle je m'excuse." Insuffisant pour calmer la fronde populaire.
Parce que la corruption gangrène l'administration
Cette nomination a mis en lumière la corruption généralisée en Bulgarie. Le Premier ministre lui-même avait été écarté d'un parti de droite en 2003. Il s'était compromis avec "un homme d'affaires véreux", selon le Courrier des Balkans, avant de reprendre sa carrière en tant que ministre des Finances dans un gouvernement socialiste.
L'organisation Transparency International (en anglais) présente le pays comme un des plus mauvais élèves européens en la matière. Seule la Grèce est moins bien classée. Les panneaux brandis dans les manifestations réclament la "démission" du gouvernement, et dénoncent un système à la botte de la mafia. Interpellée par des manifestants le 23 juillet, Viviane Reding, commissaire européenne à la justice, a appelé "les partis politiques à accentuer leurs efforts pour réformer en profondeur le système de la justice et se débarrasser de la corruption, parce qu'une démocratie, pour être forte, en a besoin", a indiqué l'agence de presse Reuters. La déclaration, prise comme un signe de soutien aux manifestants, a passablement agacé la classe politique bulgare, d’après le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.
Parce que les difficultés économiques plombent le pays
La raison de fond de cette agitation populaire : les difficultés économiques du pays, dont la mafia est justement tenue pour responsable. En février déjà, la rue avait fait tomber le précédent gouvernement, lorsque ce dernier avait voulu augmenter de 20% les prix de l'énergie. Le taux de chômage en 2012 atteignait 12,3%, dans le pays le plus pauvre de l'Union européenne. Un record depuis l’entrée du pays dans l’Union, d’après les chiffres d’Eurostat.
Les Bulgares tiennent la classe politique responsable de la morosité économique. Au gouvernement, une ancienne représentante de la Commission européenne est chargée de régler le problème des détournements de fonds européens, qui grèvent l'efficacité de ces aides, comme le détaille Le Monde (article payant).
Les manifestants reprochent à ce nouveau gouvernement de technocrates l'absence de ligne claire pour sortir de la crise. Le ministre de l’Intérieur, Tsvetlin Yovchev, a confirmé à la BBC : "En ce moment, nous n’avons pas de plan défini." Une affirmation qui n'ébranle en rien la volonté du gouvernement de rester au pouvoir. "La démission entraînerait le pays dans une spirale infernale", ajoute Yovchev. En mai, il avait fallu plus de deux semaines pour réussir à former un gouvernement après les élections législatives anticipées.
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