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Carmen Quintanilla ou le plan pour 80 millions d'handicapés européens

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté à une très large majorité le rapport de la députée espagnole Carmen Quintanilla (Parti populaire, conservateur), intitulé «Egalité et insertion des handicapés». Un document qui constitue une nouvelle étape dans la construction d’une politique européenne en faveur des personnes en situation de handicap. Interview.
Article rédigé par franceinfo
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Carmen Quintanilla à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg le 30 janvier 2015 (Conseil de l'Europe - Klara Beck)
Quel est l’enjeu de ce rapport ?
La Convention européenne des droits de l’Homme, la Charte sociale européenne, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap ou encore les lois nationales ne sont pas assez effectives. Ces personnes font encore trop souvent face à des obstacles. Elles représentent 10% à 15% de la population des Etats membres du Conseil de l’Europe. Mon rapport concerne donc plus de 80 millions de personnes.
 
A travers ce document, j’appelle les gouvernements à inclure le handicap comme priorité dans leur politique à tous les niveaux et de manière transversale. Pour qu’ainsi, valides et non- valides bénéficient des même droits. N’oublions pas que tout un chacun peut être victime d’une incapacité temporaire ou permanente.
 
Vous évoquez dans votre rapport de très nombreuses pistes. Quelles sont, selon vous, celles sur lesquelles les pays membres doivent se concentrer ?
J’espère que chaque Etat mettra en œuvre mes recommandations dans trois domaines principaux. D’abord, il est fondamental d’augmenter le taux d’emploi chez les personnes en situation de handicap. Ce taux est de 44% alors qu’il est de 75% chez les personnes valides. Les incitations fiscales ou les quotas obligatoires dans la fonction publique appartiennent aux mesures qu’il conviendrait de prendre. En Espagne, ce quota d’handicapés dans l’emploi public est déjà appliqué avec un des taux les plus importants d’Europe, 7%.

Ensuite, l’incapacité juridique chez les personnes en situation de handicap ne doit être employée que dans les cas extrêmes. La capacité juridique (aptitude d'une personne à avoir des droits et des obligations et à les exercer elle-même. Par exemple : droit de conclure un contrat, droit d'agir en justice, NDLR) doit être plus répandue. Le 23 janvier 2015, le Commissaire européen aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, a encore confirmé cette position. Il préconise, je le cite, de "reconnaître la capacité juridique de toutes les personnes en situation de handicap y compris des personnes ayant des déficiences intellectuelles ou psychosociales".
 
Sur ce point, il faut suivre aussi les exemples canadien ou suédois. Ils ont instauré dès les années 70 des systèmes de prise en charge par l’Etat appelés "ambusman". Dans ces systèmes, des assistants personnels sont choisis par les personnes en situation de handicap pour les représenter. Ces "réseaux de soutien" permettent d’éviter "une mort civile" aux personnes en situation de handicap.

Enfin, la lutte contre la violence faite aux handicapés doit également être une priorité. Les femmes handicapées sont dix fois plus vulnérables à la violence, et les enfants handicapés quatre fois plus victimes de violence que les enfants non-handicapés !
 
Quand ces préconisations pourraient-elles être mises en œuvre ?
Pas avant 2016 ! Il faudra attendre plusieurs mois, avant que ce rapport soit mis à l’ordre du jour du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Le plan d’actions 2006-2015 du Conseil sera ensuite réévalué. Un nouveau plan sera alors envisagé à partir de mon rapport et d’autres propositions. Le Comité des ministres doit répondre à l’Assemblée parlementaire dans un délai de six mois. C’est lui qui aura le dernier mot en décidant des mesures que les Etats devront appliquer. Mais au final, c’est l’engagement national de chaque Etat qui restera décisif pour une amélioration du quotidien des personnes en situation de Handicap !
 

Carmen Quintanilla est première vice-présidente de la Commission pour l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. 

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