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Clémenceau, le «Tigre» intransigeant de la guerre de 14-18

Ces deux dessins, qui croquent Georges Clémenceau (1841-1929), évoquent deux des surnoms de celui qui est redevenu président du Conseil en 1917 : le Tigre et le Père la Victoire. Ils résument l’immense popularité dont bénéficiait alors cet homme politique intransigeant, à l’extraordinaire longévité.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
«Le père la victoire», lithographie (rehaussée d'aquarelle) de Georges Goursat, dit Sem, et «Clémenceau, le tigre», lithographie de G. Gautier (Historial de la Grande Guerre - Péronne, Somme, et © communiqué par l'Historial de la Grande Guerre). (Yazid Medmoun/CG80)

C’est en 1876 que Georges Clémenceau, médecin et juriste de formation, commence sa carrière politique lorsqu’il se fait élire député de Paris. Il prend alors la tête de la gauche dite «intransigeante» ou «radicale». A ses yeux, il n’y a déjà qu’une seule cause qui vaille : celle de la revanche contre l’Allemagne après la défaite de 1870-1871.

Longtemps, il va se cantonner à un rôle d’opposant. Un opposant connu pour sa férocité qui lui vaut le surnom de «Tigre». Un tigre «aux colères terribles, aux rugissements féroces, aux saillies sarcastiques, dont tout le monde redoute l’épée, le pistolet et la langue», dixit le site de l’encyclopédie Larousse. En 1881, il devient un «tombeur de ministère» quand il fait chuter le gouvernement de Jules Ferry en raison de sa politique coloniale.

Problème : Clémenceau s’est fait beaucoup d’ennemis. En 1892, il est mis en cause dans l’affaire du canal de Panama. Il doit alors prendre du champ. Il s’investit dans le journalisme et participe à la fondation du journal L’Aurore dont il devient éditorialiste. Le journal s’engage résolument au côté des dreyfusards. C’est d'ailleurs là qu’Emile Zola publie, le 11 janvier 1896, son célèbre J’accuse.
 
L’affaire va lui permettre de revenir en grâce. En 1902, il est élu sénateur du Var, fonction qu’il occupera jusqu’en 1920.

«Je fais la guerre»
Mais ce n’est qu’en mars 1906 qu’il accède au gouvernement, à près de 65 ans, comme ministre de l’Intérieur. Il mène à son terme la séparation des Eglises et de l’Etat. Et réprime durement des grèves de mineurs, ce qui lui vaut un nouveau surnom : celui de «premier flic de France».
 
En octobre 1906, il accède à la présidence du Conseil tout en conservant le ministère de l’Intérieur. Il forme alors l’un des gouvernements les plus durables de la IIIe République. Gouvernement qui va notamment créer le congé hebdomadaire pour les salariés et mettre sur les rails l’impôt sur le revenu.
 
Attaqué par la gauche et Jean Jaurès ainsi que par la droite et le monde des affaires, il doit se retirer en juillet 1909. Mais revenu dans l’opposition, Georges Clémenceau est tout aussi redoutable à l’extérieur qu’à l’intérieur du pouvoir: il continue à faire tomber les gouvernements. 
 

Georges Clémenceau en visite dans une tranchée quelque part sur le front en décembre 1917. (AFP - STR)

Survient la déclaration de guerre en 1914. A la tête de la commission de l’armée à la Haute assemblée, le sénateur du Var se veut «le chien de garde aux créneaux de la nation». Il multiplie les attaques contre le gouvernement et l’état-major. Il «dénonce les insuffisances de l’effort de guerre, s’emporte contre la création des fronts en Orient, contrôle âprement le gouvernement (pendant la bataille de Verdun, il obligera dix-huit fois Briand à comparaître devant la commission)» (Larousse)…
 
Sa détermination lui vaut finalement d’être rappelé au gouvernement en novembre 1917, à l’âge de 76 ans. La France est alors en plein doute. Des mutineries éclatent dans l’armée épuisée. Revenu au pouvoir, Clémenceau affirme son programme : «Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c'est tout un. Politique intérieure, je fais la guerre ; politique extérieure, je fais toujours la guerre (...). La Russie nous trahit, je continue de faire la guerre. La malheureuse Roumanie est obligée de capituler : je continue de faire la guerre, et je continuerai jusqu'au dernier quart d'heure». Faire la guerre jusqu’à la victoire finale.
 
«A bien mérité la Patrie»
Le discours passe bien dans l’opinion qui donne à l’énergique président du Conseil le surnom flatteur de «Père la victoire». Dans le même temps, avec son chapeau, son écharpe de laine et ses gants, le président du Conseil multiplie les visites dans les tranchées. Des visites appréciées par les poilus qui le surnomment «le vieux».

Il lève un emprunt de 10 milliards de francs. Impose le maréchal Foch comme commandant unique des armées alliés. «Il court d’un quartier général à l’autre, improvise la défense contre les aéronefs» (Larousse).
 
Survient la signature de l’armistice le 11 novembre 1918. Votée six jours plus tard, une loi proclame :
«Les armées et leurs chefs,
Le gouvernement de la République,
Le citoyen Clemenceau, Président du Conseil,
Ministre de la Guerre,
Le Maréchal Foch, généralissime des armées alliées, ont bien mérité de la Patrie.»

«La France était unanime derrière celui qui l'avait sauvée, moment unique de son histoire, toutes classes sociales et opinions confondues. Dominait le sentiment d'un patriotisme unique, de la gravité des sacrifices consentis et du respect dû à la mémoire des morts et au deuil des familles», assure le site de l’Assemblée nationale. Des propos qui, un siècle après la boucherie de 14-18, permettent de mieux comprendre l’immense popularité de Georges Clémenceau au sortir de la guerre. Mais sa popularité va rapidement s’effondrer avec la politique sociale de son gouvernement (qu’il quitte en janvier 1920) et la signature du traité de Versailles en 1919. Par ce traité, l'intransigeant «Père la victoire» pensait tenir la revanche de la France. Mais l'on estime souvent que ce texte, considéré comme un «Diktat» en Allemagne, portait en lui les germes de la Seconde guerre mondiale…

Image, tirée du magazine français «L'Illustration», montrant Georges Clémenceau (à droite assis) lors de l'ouverture de la conférence de paix de Paris, le 18 janvier 1919. Assis à gauche, le président des Etats-Unis d'Amérique, Woodrow Wilson.

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