Projet Daphne : "Il y a 15 ans, c'était une faute professionnelle de donner une info à un confrère"
Le journaliste Laurent Richard, fondateur de Forbidden Stories, une organisation qui vise à poursuivre les travaux de journalistes assassinés ou emprisonnés, était l'invité de franceinfo mercredi.
Il y a 6 mois la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia était assassinée à Malte, victime d’un attentat à la voiture piégée. Elle dénonçait la corruption qui fait rage dans son pays. 45 journalistes de 15 pays représentant 18 médias ont décidé de poursuivre son travail grâce au consortium Forbidden Stories. "C’est une forme d’assurance-vie de l’information", explique, sur franceinfo, Laurent Richard, journaliste et fondateur de l'organisation Forbidden Stories.
franceinfo : C’est pour que ses assassins ne puissent pas faire taire Daphne Caruana Galizia que vous avez continué ses enquêtes ?
Laurent Richard : La première idée est de poursuivre les enquêtes et informer du mieux qu’on peut les Maltais et l’opinion publique internationale. Daphne Caruana Galizia a travaillé sur des affaires qui touchaient aussi au blanchiment d’argent international. C’est un enjeu d’intérêt général. On a exercé notre mission de journaliste de manière collaborative pour être plus précis et plus rigoureux. Pour avoir plus d’impact. Et aussi dire aux ennemis des journalistes : "Vous avez sans doute arrêté le messager, mais vous n’arrêterez pas le message."
Malte fait partie des pays où les journalistes risquent leur vie ?
Ces 6 derniers mois, deux journalistes ont été assassinés au cœur de l’UE. Il y a un problème d’État de droit à Malte. À chaque fois qu’on s’attaque à un journaliste on s’attaque à un pilier fondamental, à la liberté de la presse, un pilier de nos démocraties. On devait répliquer et avoir une réponse journalistique. Dans cette collaboration il y a des partenaires maltais, notamment le Times of Malta. Ils effectuent un excellent travail. C’est essentiel de collaborer avec les journaux maltais. Montrer qu’ils ne sont pas tout seul dans cette affaire.
Forbidden Stories est une sorte de refuge pour les journalistes dans le monde ?
C’est une plateforme qui consiste à continuer les enquêtes des journalistes qui ont été violement censurés, emprisonnés ou assassinés. Notre objectif est d’informer les populations sur des infos importantes. Sur la corruption, le blanchiment d’argent, les violations du droit humain. On propose également aux journalistes isolés ou en danger de mettre de côté les éléments de leurs enquêtes, car si un jour quelque chose leur arrive, on sera en mesure de continuer leur travail. C’est une forme d’assurance-vie de l’information, une collaboration au service de la protection des journalistes. Il y a 15 ans c’était une faute professionnelle de donner une info à un confrère, on pouvait être viré pour ça. Aujourd’hui on a compris que la collaboration permet d’être plus précis et d‘avoir un impact global.
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