Élections législatives en Autriche : "Personne ne pense que l'extrême-droite devrait être exclue du droit de gouverner"
Les Autrichiens votent dimanche à l'occasion d'élections législatives. En tête dans les sondages, le conservateur Sebastian Kurz envisage de gouverner avec le FPÖ, le parti d'extrême droite, en cas de victoire.
L'Autriche organise dimanche 15 octobre ses élections législatives. Le parti chrétien-démocrate de Sebastian Kurz est donné en tête dans les sondages. En cas de victoire, il envisage de gouverner avec le FPÖ, le parti d'extrême-droite parfaitement intégrer au paysage politique du pays, selon Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste des nationalismes.
franceinfo : Quel est le visage de cette extrême-droite autrichienne aujourd'hui ?
Jean-Yves Camus : C'est un visage acceptable depuis le début des années 1970, quand le FPÖ a été appelé par les sociaux-démocrates à soutenir un gouvernement minoritaire pour la première fois. Le FPÖ est né en 1956. En Autriche, c'est un camp politique à part entière. Il y a les sociaux-démocrates, les chrétiens populaires et ce qu'on appelle le camp national-libéral, incarné par le FPÖ. Personne ne pense en Autriche que l'extrême-droite devrait être exclue du droit de gouverner, en raison de son idéologie ou de ses racines.
N'y a-t-il pas de tabou à l'égard de l'extrême-droite, comme cela peut être le cas en Allemagne ?
Je crois que c'est toute la différence entre ces deux pays. C'est sans doute lié à la manière dont a été fait le travail de mémoire en Autriche, avec cette ambiguïté qui consistait à mettre en avant cette Autriche victime de l'Anschluss [annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie en 1938], en oubliant un peu vite que cette union avec le Reich avait été voulue, ou du moins acceptée, par une majorité des Autrichiens. L'Autriche n'a pas fait le même travail sur son histoire que celui accompli par l'Allemagne.
Le discours de l'extrême-droite en Autriche est-il très différent de celui de l'AfD en Allemagne ou du Front national ?
C'est très intéressant, parce que la normalisation du FN pourrait passer par le type de travail idéologique suivi par le FPÖ. Ses questions économiques et les questions européennes, par exemple, avec un euroscepticisme certain mais sans dire "Nous voulons sortir".
Si l'extrême-droite arrive au gouvernement, l'Autriche risque de moins se tourner vers l'Europe de l'Ouest et plus vers l'Europe de l'Est. Est-ce que cela peut fragiliser l'Union européenne ?
L'Autriche regarde très exactement vers la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie, qui sont en train d'élaborer un modèle très intéressant : il vise à rester dans l'UE, tout en élaborant leurs propres normes de fonctionnement institutionnel. Cela prouve qu'il n'est pas nécessaire d'en sortir pour s'extraire d'un certain nombre de normes édictées par Bruxelles. Le FPÖ compte se rapprocher de ces pays et tenter, sur les questions d'identité, de faire en sorte que l'Autriche ait une politique d'accueil beaucoup plus restrictive. On parle notamment de ne plus financer les centres d'intégration.
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