Fronde contre la police russe : "Ils lui ont arraché la moitié des ongles"
Les accusations de violences, viols et tortures se multiplient contre la police à travers la Russie, dans un climat d'opposition grandissante au régime de Vladimir Poutine.
"Ils lui ont arraché la moitié des ongles des doigts. Puis, ils lui ont passé un nœud autour du cou et l'ont fixé au mur à hauteur d'homme pour qu'à chaque mouvement il s'étrangle." Farid Eldarov, un Daguestanais, était détenu depuis le 8 mars par la police de la région de Moscou, révèle mardi 20 mars l'ONG de défense des droits de l'homme Memorial. Il a été passé à tabac, étranglé, menacé de viol et des ongles lui ont été arrachés. La police voulait qu'il donne "des informations sur Ramzan", l'ami chez qui il a été arrêté par une trentaine de policiers. Elle soupçonne Ramzan d'être en lien avec des rebelles islamistes.
Le calvaire de Farid Eldarov n'est pas isolé. Les accusations visant la police se multiplient en Russie. Une trentaine de plaintes ont été recensées mardi pour la seule ville de Kazan (à 700 km à l'est de Moscou). Début mars, un homme de 52 ans est mort dans un poste de police de cette ville. Sergueï Nazarov avait été sodomisé avec une bouteille de champagne, avant de mourir le 10 mars d'une rupture intestinale.
L'affaire de Kazan a suscité l'indignation
Les violences policières ne sont pas une nouveauté en Russie. Mais cette affaire a fait grand bruit dans le pays, par la cruauté des faits, mais aussi par l'accumulation de témoignages, relève RFI. Elle intervient dans un climat de contestation sans précédent contre le régime de Vladimir Poutine.
Du coup, le Comité d'enquête russe, organe en charge des investigations criminelles, a annoncé mardi l'arrestation de deux policiers du commissariat Dalny de Kazan pour des violences perpétrées en octobre 2011 contre Oskar Krylov. Ce jeune homme accuse les forces de l'ordre de l'avoir violé avec une bouteille et d'avoir étouffé sa plainte. L'enquête sur la mort d'un étudiant dans un autre commissariat de Kazan en 2008 a été relancée. Sept policiers ont été arrêtés pour des violences dont le but aurait été de faire avouer des vols.
Les ONG se mobilisent
Les organisations de défense des droits de l'homme dénoncent depuis longtemps les mauvais traitements voire la torture dans les commissariats russes. Profitant de la contestation, elles ont médiatisé plusieurs autres cas de violences policières dans d'autres régions, comme celui de Farid Eldarov.
Ainsi, des ONG enquêtent sur le cas de Petr Farber, 18 ans. Dans une lettre publiée le 22 février par le journal d'opposition Novaïa Gazeta, il a raconté avoir été battu par des agents du FSB (ex-KGB) de la région de Tver (160 km au nord-ouest de Moscou). Selon lui, ces mauvais traitements visaient à le faire témoigner contre son père, accusé de corruption.
Autre exemple, en janvier, un adolescent de 15 ans est mort après avoir été frappé à coups de manche à balai dans un commissariat de Saint-Pétersbourg. Deux policiers ont été arrêtés.
Selon la fondation Jugement citoyen, ces pratiques s'expliquent par "la psychologie des agents et l'absence de contrôle", mais aussi par le fait que chaque commissariat doit remplir des objectifs fixés par la hiérarchie dans la lutte contre la criminalité. "La torture est l'un des moyens utilisés pour atteindre les résultats prévus."
D'après RFI, qui cite l'institut indépendant Levada, "les Russes ne sont que 18% à avoir une opinion positive des policiers et seuls 24% estiment qu'ils travaillent pour protéger la population".
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