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Gel des expulsions en Espagne, après deux suicides consécutifs

L'association espagnole des banques, au pied du mur après deux suicides très médiatisés, a annoncé la suspension des saisies immobilières pour au moins deux ans. "Dans certains cas extrêmes", prévient-elle. "Insuffisant", jugent les associations de défense des surendettés.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Heino Kalis Reuters)

C'est une des manifestations les plus criantes de la crise qui frappe l'Espagne : la multiplication des saisies immobilières. Depuis 2008, 172.000 propriétaires surendettés ont été expulsés de chez eux. Et 178.000 autres sont en passe de l'être. Le quotidien espagnol El Pais affirme que le rythme des expulsions est monté au premier semestre de cette année à "317 cas par jour " ! 

La scène est donc devenue presque banale dans cette Espagne exsangue. Pourtant, deux suicides ont accéléré la prise de conscience de la population et des autorités. Deux suicides en quinze jours. Le dernier, celui d'une ancienne conseillère socialiste de 53 ans qui s'est défenestrée la semaine dernière de son domicile de Biscaye, devant mari et enfant, alors que les huissiers venaient la déloger. Comme les autres, elle avait souscrit un crédit hypothécaire. Devenu impossible à rembourser !

"Terrorisme immobilier, non !"

Ces suicides ont déclenché une série de manifestations, notamment à Madrid, aux cris de "banquiers assassins " ou "Terrorisme immobilier, non ! " Pressée par l'opposition socialiste et le gouvernement, l'association espagnole des banques et celle des Caisses d'épargne ont donc annoncé le gel, pour deux ans, des expulsions de propiétaires endettés, "dans les cas les plus extrêmes ", dit l'AEB sans autre précision. Une décision qu'elle justifie par "des raisons humanitaires et dans le cadre de sa politique de responsabilité sociale ". 

Impression de déjà vu : les banques avaient accepté à contrecoeur de signer un code de bonne conduite en mars dernier, pour tenter de freiner une première fois cette vague de saisies. Ce code devait protéger notamment les familles dont tous les membres sont au chômage. Mais le rythme des expulsions n'a pas décéléré. 

Des pistes pour réformer le crédit immobilier

Le "geste" de l'association des banques ne risque donc pas de convaincre les associations de protection des personnes surendettées. La mesure n'est pas rétroactive et est jugée trop floue. 

Néanmoins, le gouvernement espagnol doit soumettre ce lundi à l'opposition des mesures d'urgence pour réformer la loi sur le crédit immobilier. Plusieurs pistes sont avancées : un délai de carence pour les mauvais payeurs, la possibilité d'un refinancement du crédit ou encore la possibilité d'une dation en paiement, ce qui signifie céder son bien pour effacer l'ardoise. Car aujourd'hui, selon la législation en vigueur, les propriétaires quand ils sont expulsés de leur bien, continuent de payer leurs dettes... 

Malaise chez les magistrats et les policiers

Le malaise, en tout cas, a gagné tous les étages de la société espagnole. En octobre, plusieurs magistrats dénonçaient "des procédures juridiques extrêmement agressives ". Dimanche, le principal syndicat de policiers, le SUP, a annoncé qu'il soutiendrait les agents refusant de participer à des expulsions pour "problèmes de conscience ". 

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