Ancien footballeur, nationaliste et anti-LGBT… Qui est Mikhaïl Kavelachvili, qui devrait être le nouveau président de la Géorgie ?
Sur la défensive face à la contestation de la rue, le pouvoir géorgien mise sur un élément plus offensif. L'ex-footballeur international Mikhaïl Kavelachvili, 53 ans, devrait devenir le prochain président de la Géorgie, samedi 14 décembre, dans un pays secoué par des manifestations antigouvernementales d'ampleur. Connu pour ses diatribes contre l'opposition, ce fidèle du parti Rêve géorgien est le seul candidat du scrutin, organisé pour la première fois au suffrage indirect. Le collège électoral, composé de 300 élus, est en effet contrôlé par la formation politique reconduite au pouvoir en octobre lors de législatives contestées.
Une fois élu, Mikhaïl Kavelachvili disposera de pouvoirs essentiellement symboliques. Il devra surtout composer avec la résistance de la présidente sortante, Salomé Zaroubichvili, qui a annoncé qu'elle refuserait de quitter ses fonctions, fin décembre, si les autorités n'organisaient pas de nouvelles législatives d'ici là. A l'heure du match des présidents, franceinfo vous présente le nouveau venu sur le terrain.
Un footballeur passé par Manchester City et des clubs suisses
Né dans la petite ville de Bolnissi en 1971, Mikhaïl Kavelachvili a entamé sa carrière sportive dans le championnat géorgien. Au poste d'attaquant, il a remporté six titres consécutifs sous les couleurs du Dinamo Tbilissi entre 1990 et 1995, avant d'être brièvement prêté au club russe de Vladikavkaz, à 30 km de la frontière. En 1996, il rejoint Manchester City pour deux saisons et marque dès son premier match dans un derby face au Manchester United d'Eric Cantona et Ryan Giggs. Durant son passage, les Citizens, loin de leur standing actuel, sont toutefois relégués en deuxième division.
Mikhaïl Kavelachvili rebondit en Suisse dès 1997, où il évolue presque sans discontinuer durant dix ans à Zurich, Lucerne, Sion, Aarau, puis Bâle, où il met fin à sa carrière professionnelle. Parmi ses faits d'armes, un titre de champion de Suisse et une poignée de buts sur la scène européenne, dont un en Ligue Europa contre les Girondins de Bordeaux de Sylvain Wiltord et Johan Micoud en 1998 (vidéo ci-dessous). Il s'est également construit une stature nationale, avec 46 sélections et neuf buts sous le maillot de la sélection géorgienne.
Une reconversion politique à l'extrême droite
Après sa carrière sportive, il devient agent de joueurs et tente de briguer la présidence de la Fédération géorgienne de football, rapporte L'Equipe. Ecarté par manque de diplômes, il se lance alors en politique. Il devient député de Tbilissi en 2016 sous les couleurs du parti au pouvoir Rêve géorgien et prend la tête de la commission des sports et de la jeunesse du Parlement.
Il est réélu en 2020, puis quitte sa famille politique pour cofonder en 2022 le parti d'extrême droite Pouvoir du peuple. Considérée comme un satellite du Rêve géorgien, cette faction anti-occidentale est notamment à l'origine de la loi controversée sur "l'influence étrangère", inspirée d'une législation répressive russe et adoptée en mai. Le député a conservé son siège à l'issue des législatives décriées d'octobre 2024.
Au Parlement, Mikhaïl Kavelachvili se fait remarquer par des discours souvent obscènes. Ses opinions politiques s'alignent sur l'idéologie d'extrême droite, notamment en ce qui concerne l'identité nationale et la promotion de la "pureté des valeurs traditionnelles des Géorgiens" contre ce qu'il décrit comme un "fascisme libéral putride" imposé par l'Occident. Opposé à la reconnaissance des droits des minorités sexuelles, il cible régulièrement les personnes LGBT+, déjà victimes d'une hostilité forte dans ce pays imprégné de l'influence du christianisme orthodoxe. Selon lui, "l'idéologie LGBTQ défend supposément les faibles, mais s'oppose en fait à l'humanité".
Le poulain du milliardaire Bidzina Ivanichvili
La désignation de Mikhaïl Kavelachvili comme candidat du Rêve géorgien pour la présidence a été annoncée le 27 novembre par le fondateur et chef honoraire du parti, le milliardaire Bidzina Ivanichvili. Ce dernier, qui a fait fortune en Russie et dirige la Géorgie en coulisses depuis 2012, a qualifié son poulain d'"incarnation de l'homme géorgien", "honnête" et "patriote". "Je ferai tout pour unir la société géorgienne autour de nos intérêts nationaux, notre identité nationale, nos valeurs et l'idée de l'indépendance géorgienne", a alors assuré l'ancien footballeur, reconnaissable à sa moustache et ses cheveux gominés, peignés en arrière.
Cette nomination exaspère les manifestants partisans de l'UE qui voient en lui un homme lige de Bidzina Ivanichvili. Sur sa page Facebook, où il parle autant de politique que des exploits sportifs de ses compatriotes, Mikhaïl Kavelachvili ne manque pas de relayer les prises de parole du créateur du Rêve géorgien.
"En termes d'envergure internationale et de compétences politiques, il n'a rien à voir avec sa prédécesseure, une ancienne diplomate", estime la chercheuse Silvia Serrano, spécialiste du monde postsoviétique, auprès de L'Equipe. Pas encore nommé, mais déjà contesté, Mikhaïl Kavelachvili voit aussi sa légitimité remise en cause par des experts en droit constitutionnel, à l'instar d'un des auteurs de la Constitution géorgienne, Vakhtang Khmaladzé. Ceux-ci font remarquer que le Parlement a organisé l'élection du président sans avoir été investi, comme le veut la loi, par l'actuelle cheffe de l'Etat, Salomé Zourabichvili, qui a refusé de le faire.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.