Dérapages, ultralibéralisme et plaquages musclés : après le Brexit, le fantasque Boris Johnson va-t-il succéder à David Cameron ?
En appelant à voter pour le "Brexit", l'ancien maire de Londres a réussi son pari face au Premier ministre, David Cameron. Et peut désormais rêver du 10 Downing Street.
Il a pris la tête de la croisade anti-UE, et il a gagné son pari. Voilà le bouillonnant Boris Johnson favori des bookmakers pour succéder à David Cameron au 10 Downing Street ! Alors que les Britanniques ont choisi de sortir de l'Union européenne, le Premier ministre a en effet annoncé son intention de démissionner, d'ici au mois d'octobre. De quoi donner des ailes à l'ancien maire de Londres.
Il faut dire que ces derniers mois, "BoJo" a mouillé la chemise pour convaincre ses compatriotes britanniques de quitter l'UE, les invitant à "reprendre le contrôle". Sans surprise, il l'a fait à sa manière, c'est-à-dire à coups d'images fortes et de phrases chocs, comme à la mi-mai, lorsqu'il n'a pas hésité à dresser un parralèle entre l'attitude de l'Union européenne et le comportement d'Adolf Hitler. Après tout, l'outrance n'a jamais fait peur à ce fantasque conservateur. Entre dérapages verbaux, ultralibéralisme et plaquages musclés, francetv info dresse le portrait de celui qui est aujourd'hui bien placé pour devenir le prochain Premier ministre.
"Va te faire foutre et crève, et pas forcément dans cet ordre !"
Boris Johnson, c'est d'abord le fracas des déclarations. En 2001, alors en campagne pour les législatives, il lâche : "Si vous votez tory, votre femme aura de plus gros seins et vous augmenterez vos chances d’avoir une BMW". Dans sa jeunesse, ce fils d’un eurodéputé conservateur et d'une artiste-peintre a pourtant fréquenté le chic pensionnat d'Eton – où il était l'ami de David Cameron – puis Oxford. Et Alexander Boris de Pfeffel Johnson, "Boris" pour les intimes, est un pur produit de la bourgeoisie britannique, comme le trahit d'ailleurs son accent "posh" issu de la haute société.
Mais la fréquentation de ces établissements prestigieux ne l'empêche nullement de se laisser aller en toute décontraction à des saillies ponctuées de "fucking hell". L'an dernier, à un taxi londonien qui, mécontent de l'instauration de pistes cyclables, se met à l'insulter, la réponse fuse : "Va te faire foutre et crève, et pas forcément dans cet ordre !" Encore récemment, dans une interview au Sun, il n'hésite pas à traiter les jihadistes de "branleurs qui pratiquent la masturbation intensive".
Du coup, la ligne jaune est souvent franchie. En 2002, chroniqueur au Daily Telegraph, il évoque dans un billet critique à l'égard de Tony Blair les hordes d'Africains qui accueillent le Premier ministre travailliste avec un "sourire de pastèque", raconte Libération. En 2006, il associe les habitants de Papouasie-Nouvelle-Guinée à des cannibales, rappelle la BBC. Boris Johnson s'excuse, souvent. Mais, selon lui, c'est parce qu'il a été mal compris ou qu'il s'est mal exprimé. Il se défend par ailleurs de toute xénophobie : "Je suis absolument 100% antiraciste, je méprise et déteste le racisme", affirme-t-il lors de la campagne municipale de 2008. Et de rappeler qu'il est l'arrière-petit-fils d'un Turc musulman et qu'il possède des origines françaises ou allemandes…
Une mise en scène soignée
Boris Johnson est une sorte de Coluche qui aurait rejoint un parti de gouvernement. "Un charmant bouffon de cour", a un jour raillé à la BBC l'ancien Premier ministre conservateur John Major. "BoJo" aime se déguiser en comique, mais sait très bien où il va. "Il joue souvent la carte de celui qui met les pieds dans le plat. Il est très futé, intelligent. C’est du populisme, mais ses grosses bourdes restent très contrôlées", explique la politologue Florence Faucher aux Inrocks. La preuve, il présente ses excuses à chaque fois. Comme en 2007, après un entretien dans lequel il qualifie Portsmouth, ville du sud de l'Angleterre, de lieu peuplé de "drogués, d'obèses, d'incapables et de députés travaillistes".
Son absence de langue de bois lui apporte une incontestable popularité. A l'automne, un sondage montrait qu'il avait les faveurs de l'ensemble des électeurs pour succéder à David Cameron en tant que Premier ministre, détaille The Independent. Car outre son langage fleuri, Boris Johnson soigne ses effets, que ce soit en posant une kalachnikov à la main ou pendant un jeu de tir à la corde organisé lors des commémorations de la Grande Guerre.
Son passé de journaliste – même si l'expérience a mal débuté au Times, où il a été mis à la porte pour avoir trafiqué une citation – lui a appris à se mettre la presse dans la poche, en alternant humour et gentillesse. Mais il arrive aussi que la mise en scène tourne mal, comme avec ce tacle-plaquage déloyal lors d'un match de football de charité entre l'Allemagne et l'Angleterre. Autre exemple lors d'une démonstration de rugby à Tokyo, où le poids lourd des conservateurs n'a pas hésité à bousculer un enfant pour marquer un essai.
"Ses erreurs sont perçues comme des preuves de son authenticité"
Hormis ses plaquages enthousiastes, tout est contrôlé chez Boris Johnson, y compris son look débraillé et ses cheveux ébouriffés, d'un blond peroxydé. Une coupe savamment entretenue dans un petit salon de coiffure turc et qui lui donne de faux airs de Donald Trump. "Ils ne sont pas d'accord sur tout, mais c'est vrai qu'ils passent beaucoup de temps chez le coiffeur", sourit, sur Europe 1, Julian King, l'ambassadeur du Royaume-Uni.
Mais la plus grande force de Boris Johnson, c'est sa capacité à se tirer de situations compliquées. En 2004, l'homme, marié et père de quatre enfants, est épinglé par la presse people pour infidélité. Cet épisode l'écarte pendant plusieurs mois de la scène nationale, mais il parvient à revenir progressivement pour se présenter aux municipales londoniennes en 2008.
Il peut se sortir de toutes les situations parce qu'il est amusant
"Il a cette chance considérable qui fait que la majorité de ses erreurs, si ce n'est toutes, sont perçues comme des preuves de son authenticité", ajoute le politologue Tony Travers.
"Les Britanniques aiment se définir par leur sens de l'humour. Alors s'afficher comme un candidat clown n'est pas forcément rédhibitoire ici."
"Il a transformé l’euroscepticisme en une cause attirante"
Pour forcer son destin national, Boris Johnson met en avant son bilan à la tête de la capitale, notamment le bon déroulement des Jeux olympiques de 2012. Il vante aussi sa politique en matière de transports, que ce soit avec les "Boris Bikes" (un équivalent des Vélib inspiré du dispositif parisien) ou avec la remise en circulation des bus à impériale. Cet ultralibéral, prêt à accueillir les investisseurs du monde entier, se targue aussi d'avoir "rendu Londres plus attractive, plus sûre, plus moderne".
Surtout, Boris Johnson, élu au Parlement britannique en mai 2015, va désormais pouvoir surfer sur sa campagne victorieuse pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
"Il a transformé l’euroscepticisme en une cause attirante et qui a un retentissement émotionnel auprès du parti conservateur"
"Sans sa popularité et son populisme débridé, le résultat aurait sans doute été opposé", estime le correspondant du Monde à Londres, Philippe Bernard. Et tant pis si ses arguments étaient parfois hasardeux, comme ces fameux "350 millions de livres envoyés à l'UE chaque semaine" (440 millions d'euros), une somme qu'il n'a eu de cesse de dénoncer, mais "qui ne tient compte ni du rabais consenti au Royaume-Uni ni des aides européennes versées au pays", souligne Le Monde.
Le "bouffon" ne plaisante plus
Son arrière-grand-père était ministre de l’Intérieur du grand vizir de l’Empire ottoman, rappelle-t-il à Libération. Faut-il y voir la destinée d'un Iznogoud, se rêvant calife à la place du calife ? "Mes chances de devenir Premier ministre sont aussi bonnes que celles de trouver Elvis sur Mars ou de me réincarner en olive", a-t-il blagué un jour de 2012.
Aujourd'hui, Boris Johnson ne plaisante plus, et veille à soigner sa stature de Premier ministrable. "Depuis qu’il a pris la tête, en février, de la campagne pro-Brexit, Boris Johnson, dont la popularité s’est toujours nourrie des pitreries, a cessé de jouer les bouffons", constate le journaliste du Monde Philippe Bernard.
"Avant, vous lui tendiez un chapeau ridicule, et il le coiffait", raconte dans le quotidien du soir Tim Shipman. Il y a quelques jours, ce journaliste du Sunday Times a essayé de lui faire prendre la pose de Churchill pour une photo. "Aucune chance", lui a alors répondu "BoJo", pourtant jamais le dernier pour se comparer à l'ancien Premier ministre.
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