Brexit : pourquoi la journée parlementaire de mercredi est décisive pour l'avenir du Royaume-Uni
Les députés britanniques ont repris mardi le contrôle du débat sur le Brexit, mais la situation reste complexe et surtout imprévisible. Un vote crucial se tiendra aujourd'hui.
Rentrée explosive à Westminster. Au lendemain de la reprise des débats, le Parlement britannique vit, mercredi 4 septembre, une nouvelle journée cruciale pour l'avenir du Royaume-Uni. Au menu : le Brexit, bien sûr, mais aussi de possibles élections générales et beaucoup (beaucoup) d'incertitudes.
Mardi, le chef du gouvernement conservateur, Boris Johnson, a essuyé un cinglant revers à la Chambre des communes. Désavoué par une majorité de députés qui ont approuvé une motion leur permettant de prendre le contrôle de l'agenda parlementaire, normalement détenu par le gouvernement, le Premier ministre entend bien se battre pour faire entendre sa voix.
Voici ce qu'il faut savoir pour s'y retrouver dans cette cacophonie.
Des députés veulent rendre le "no deal" illégal
Les opposants à Boris Johnson vont présenter un texte de loi rendant illégale une sortie du Royaume-Uni sans accord (sauf dans le cas où le Parlement voterait le "no deal", ce qui est improbable.) Concrètement, la loi présentée par le député travailliste Hilary Benn propose la chose suivante : le Premier ministre doit, d'ici le 19 octobre, décrocher un nouvel accord de sortie de l'Union européenne, afin de le soumettre au vote du Parlement, lequel pourrait débattre de ce nouvel accord avant la date fatidique du 31 octobre.
Si Boris Johnson n'y parvient pas, alors il sera obligé de demander à ses partenaires européens un nouveau report du Brexit de trois mois, au 31 janvier 2020. Techniquement, il pourrait également tenter de convaincre les parlementaires de voter en faveur du "no deal", mais ce scénario est improbable.
Vous retrouverez le texte de loi, en version originale, dans le tweet ci-dessous.
1/8 The European Union (Withdrawal) (No. 6) Bill 2019 pic.twitter.com/16cmhdRkOp
— Hilary Benn (@hilarybennmp) September 2, 2019
Le Parlement est sens dessus dessous
La journée de mardi a fait l'effet d'un séisme au Parlement. Au total, le parti conservateur a perdu l'appui de 22 députés. Le premier, Phillip Lee, a quitté son siège en pleine séance pour aller s'asseoir avec le Lib Dem (parti de centre droit traditionnellement europhile), signifiant ainsi qu'il changeait de crémerie, emmenant avec lui la (minuscule) majorité détenue jusqu'alors par Boris Johnson.
Quelques heures plus tard, 21 députés conservateurs, dont des ministres de premier plan (au Royaume-Uni, les ministres sont aussi députés), ainsi que le petit fils de Winston Churchill, ont envoyé promener la consigne du parti en votant en faveur d'une motion qui retire les clés du débat des mains de Boris Johnson pour les donner au Parlement. Dans la foulée, ces "rebelles" ont été mis dehors du parti conservateur.
Dans ces conditions, les forces en place ce mercredi à l'ouverture de la séance sont radicalement différentes de ce qu'elles étaient 24 heures plus tôt. Cependant, si l'on considère que le vote de mardi préfigure du résultat du vote du jour, alors le texte des anti-"no deal" devrait être adopté, grâce à ces fameux députés rebelles.
Boris Johnson devrait demander de nouvelles élections
Boris Johnson l'a martelé : il considère que l'adoption d'une loi "anti-'no deal'" anéantirait tout espoir de négocier un nouvel accord avec les Européens. Du coup, si cette loi est adoptée par la Chambre des communes, il contre-attaquera en demandant à voter pour la tenue d'élections générales en urgence, vraisemblablement le 15 octobre. "Je ne veux pas d'une élection, mais si les députés votent demain pour arrêter les négociations et appeler à un autre report inutile du Brexit, qui pourrait durer des années, dans ce cas [une élection] sera le seul moyen de résoudre" la situation, a d'ores et déjà averti le Premier ministre.
Seulement voilà, pour que de nouvelles élections soient convoquées, en vertu du "Fixed-term Parliaments Act 2011", le texte demandant leur tenue doit obtenir les 3/4 des voix au Parlement. Et là encore : suspense et mathématiques entrent en jeu.
Si Boris Johnson pourra compter sur les voix des conservateurs qui lui sont restés fidèles, il aura besoin de nombreux soutiens chez les travaillistes. Or, Jeremy Corbyn a expliqué mercredi matin que son parti s'opposerait à la tenue d'élections générales, sauf si le texte "anti-'no deal'" est adopté avant.
De cette façon, le chef de l'opposition entend empêcher Boris Johnson d'organiser les élections après la date du 31 octobre, date à laquelle le Royaume-Uni se retrouverait obligé de quitter l'UE sans accord.
Un vote de défiance n'est pas à exclure dans la foulée
Et si cette loi "anti-'no deal'" est rejetée ce soir par les parlementaires ? Dans ce cas, de nouvelles élections ne sont pas à exclure. Les députés hostiles au "no deal" pourraient alors demander un vote de défiance pour renverser le gouvernement.
Si l'exécutif perdait la confiance du Parlement, alors l'opposition devrait former un gouvernement intérimaire dans un délai de 14 jours. Au-delà, de nouvelles élections générales seraient automatiquement organisées.
Les regards se tournent (aussi) vers la Chambre des Lords
Des débats décisifs se tiennent également mercredi à la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique. Au lendemain de leur rentrée, les Lords débattent d'un texte qui leur permettrait d'accélérer les débats sur le Brexit, de sorte qu'ils puissent valider le texte anti-"no deal", s'il venait a être voté ce soir par les députés. La date limite envisagée pour se prononcer sur cette loi : vendredi à 17 heures.
From 3:30 #HouseofLords debates a business of the House motion moved by @LadyBasildon.
— House of Lords (@UKHouseofLords) September 4, 2019
Pour être inscrit dans la loi, un texte doit en effet : 1/être voté par les députés. 2/être voté par les Lords et 3/être promulgué par la reine (une procédure de routine, puisqu'elle ne s'occupe pas de politique). Seule une procédure accélérée permettrait donc l'application de cette loi avant la prorogation (suspension) du Parlement, le 9 septembre.
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