Brexit : trois questions après le vote de confiance remporté par Theresa May
La Première ministre britannique se rend à Bruxelles après avoir échappé à un vote de défiance au Royaume-Uni. Elle va tenter d'obtenir de nouvelles garanties sur l'accord de retrait face à des Européens qui refusent de renégocier le texte.
La Première ministre britannique, Theresa May, doit s'exprimer devant ses homologues des pays de l'Union européenne réunis pour un sommet de deux jours, jeudi 13 décembre. Lundi, la dirigeante conservatrice a reporté en catastrophe le vote sur l'accord de Brexit prévu mardi à la Chambre des communes, de crainte de le perdre. Son parti, en majorité hostile au texte négocié avec l'UE, a aussitôt organisé un vote de défiance, mercredi. Theresa May a finalement obtenu le soutien de 200 députés conservateurs, contre 117 qui l'ont désavouée.
Mais la marge de manœuvre de la Première ministre, prise en tenaille entre des conservateurs favorables à un Brexit dur et des europhiles soucieux de préserver des liens étroits avec l'UE, reste faible. Explications.
1Theresa May sort-elle renforcée ou affaiblie de ce vote de défiance ?
Ce vote pourrait être une victoire à la Pyrrhus. Certes, selon les statuts du parti, celui-ci ne pourra plus chercher à la déloger pendant un an, mais elle reste sous la menace d'une motion de censure de l'opposition, une opportunité potentielle de revanche pour les frondeurs conservateurs.
Par ailleurs, la Première ministre a dû mettre son avenir politique dans la balance, annonçant qu'elle projetait de quitter ses fonctions avant le scrutin législatif de 2022. "J'aurais aimé de tout mon cœur mener le parti aux prochaines élections (...). Mais je me rends compte que le parti aimerait qu'un autre chef s'en charge", a-t-elle déclaré avec émotion, selon le conseiller juridique du gouvernement, Robert Buckland.
"C'est une survie, pas un succès ce soir – un autre gros coup porté à la crédibilité de la Première ministre", a souligné la journaliste de la BBC Laura Kuenssberg. Le Guardian, lui, a jugé la dirigeante "amochée par l'ampleur de la rébellion".
2Qu'est-ce que le "backstop" ?
Le blocage se cristallise notamment sur la question du "backstop" (ou "filet de sécurité"), la clause de sauvegarde rédigée dans l'accord négocié avec l'UE. Si aucun accord n'est trouvé après la transition post-Brexit, cette mesure prévoit de créer un "territoire douanier unique" au sein duquel il n'y aurait aucun quota ni droit de douane pour les biens industriels et agricoles. Cela signifie que l'rlande du Nord restera liée à l'UE par un accord proche du régime actuel, afin de garantir la liberté de circulation des personnes et des marchandises.
L'objectif est d'empêcher le retour d'une frontière physique "dure" entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord, supprimée depuis les accords de paix de 1998. Cette clause serait temporaire, précise encore le projet d'accord.
Mais les conservateurs les plus déterminés à sortir de l'UE estiment que cette clause remet en cause la souveraineté du Royaume-Uni. Ils demandent donc qu'elle soit purement et simplement supprimée. Pour les rassurer, Theresa May veut donc obtenir la garantie que ce "backstop" ne pourra être que temporaire. "L'idée d'une date de péremption pour la garantie ne passera pas" du côté de l'UE, a cependant déjà averti un diplomate européen.
3L'accord peut-il encore être remanié ?
Les dirigeants européens, à Bruxelles comme dans les Etats membres, l'ont répété sur tous les tons : il n'est pas question de renégocier l'accord de divorce qui a nécessité dix-sept mois de tractations pour organiser le départ britannique, programmé le 29 mars 2019. "Il ne faut pas attendre que nous sortions avec de quelconques changements" lors du sommet, a encore prévenu mercredi la chancelière allemande, Angela Merkel. "Il n'y aura pas de renégociation", mais tout au plus "des observations", a renchéri le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Mercredi soir à Bruxelles, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a déclaré que s'il était "clair que l'accord de retrait ne serait pas rouvert et amendé", il y avait tout de même "une certaine marge de manœuvre pour se rapprocher les uns des autres". Outre la question irlandaise, l'accord de Brexit règle notamment la question du solde de tout compte que devra verser le Royaume-Uni à l'Union européenne pour honorer ses engagements. Il prévoit aussi quels seront les droits des citoyens européens au Royaume-Uni et des Britanniques dans l'UE, après le Brexit.
"La marge est extrêmement étroite, ce sera un exercice de communication", a confié mercredi un haut diplomate d'un Etat membre. Les Européens ne pourront pas concéder davantage à Theresa May qu'un petit texte de "clarification", qui "ne sera pas juridiquement contraignant", a prévenu de son côté un responsable européen.
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