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Brexit : les réponses de deux militants britanniques pro et anti-UE à vos questions

L'envoyé spécial de francetv info à Potton a posé vos questions à Adam Dutton, qui milite pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, et à Graeme Coombes, qui veut l'inverse. Tous deux développent ici leurs arguments.

Article rédigé par franceinfo
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Les deux militants pro et anit-Brexit, autour de notre journaliste Yann Thompson, dans un pub de Potton (Angleterre), le 23 juin 2016.  (FRANCETV INFO)

"Leave" or "remain" ? Les Britanniques vont-ils rester dans l'Union européenne ou se prononceront-ils pour le départ de l'UE, le fameux Brexit ? Réponse dans quelques heures, à l'issue du référendum organisé jeudi 23 juin au Royaume-Uni.

En attendant, l'envoyé spécial de francetv info à Potton, en Angleterre, Yann Thompson, a répondu aux questions de nos internautes, à l'aide des militants anti-Brexit  Adam Dutton et pro-Brexit Graeme Coombes

Quelles sont les motivations du vote ?

Première question posée aux deux militants : quelles sont vos motivations ?  Favorable au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, Adam Dutton estime que "les défis du Royaume-Uni sont mondiaux. On doit être ensemble pour y faire face, l'UE est la moins pire des solutions pour cela. Et contrairement à beaucoup de gens, même chez les pro-UE, je me sens européen."

Graeme Coombes, favorable à la sortie de l'Union européenne, pointe, lui, le "manque de démocratie dans l'UE. J'aime l'Europe, mais pas l'UE, qui détruit des emplois en Grèce, en Espagne, au Portugal... Personne n'a voté pour Donald Tusk [le président du Conseil européen] ou Jean-Claude Juncker [le président de la Commission européenne]. Et j'ai du mal avec la libre-circulation des personnes dans l'UE."

La Suisse n'appartient pas à l'UE et ne s'en porte pas plus mal...

"Pourquoi craindre la sortie à ce point alors que la Suisse ne fait pas partie de l'UE et se porte très bien ?" demande un autre internaute.

Réponse d'Adam Dutton : "Il y a une différence entre quitter l'UE et ne jamais en avoir fait partie. Ce sont les fondations de notre pays que l'on risque de modifier, et c'est un équilibre fragile. Notre économie est plus large qu'en Suisse, et plus complexe. La City de Londres a besoin d'être dans l'UE pour avoir un 'passeport financier' dans les autres pays par exemple."

Le Brexit ouvre-t-il la voie à un éclatement du Royaume-Uni ?

La crainte –ou l'espérance– est récurrente : la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ouvrirait-elle une possibilité de nouveau vote sur l'indépendance de l'Ecosse ?

Oui, développe notre journaliste, avec des effets en cascade : "Le parti nationaliste au pouvoir en Ecosse, le SNP, a annoncé qu'il demanderait un nouveau référendum sur l'indépendance dans le cas où le Royaume-Uni voterait pour une sortie. Restera ensuite à convaincre le gouvernement de Londres d'autoriser un tel scrutin. Les nationalistes en Irlande du Nord pourraient suivre, pour rejoindre l'Irlande."

Pourquoi la campagne s'est-elle focalisée sur l'immigration ?

Comment expliquer le glissement de la campagne vers les questions d'immigration et de nationalisme ? Pour l'anti-Brexit Adam Dutton, "les dirigeants du "Leave" [départ de l'UE]  avaient du mal à fournir des arguments sur le plan économique, et ont donc basculé vers ce thème. Dans le système médiatique, il faut de grands slogans qui résonnent. Sur le terrain, on l'a beaucoup moins senti, les gens avaient surtout besoin d'être informés sur les enjeux".

Pour le pro-Brexit Graeme Coombes, "l'immigration issue de pays d'Europe de l'Est a été un enjeu important ces dernières années. La libre-circulation des personnes pose problème pour beaucoup de gens dans le grand public, avec des conséquences sur le système de santé et les écoles, et les dirigeants n'ont jamais réagi à cela. Ce référendum est devenu un moyen d'exprimer ces inquiétudes".

L'UE est-elle responsable de la désindustrialisation en Angleterre ?

"J'ai travaillé dans les années 80 à Liverpool et dans les années 2000 dans le Surrey. Je ne comprends pas que l'on rejette la faute à l'Europe alors que ces villes furent délaissées par Londres", a écrit un internaute.

L'Union européenne est-elle responsable de la désindustrialisation dans ces villes ouvrières ? Les deux militants sont quasi d'accord, à quelques nuances près. "Je suis né à Liverpool, explique Graeme Coombes . Il y a des projets financés par l'UE, mais une partie de ce financement a été versée par le Royaume-Uni... Maintenant, je n'accuse pas l'UE de la situation économique là-bas (dont Londres est en grande partie responsable). Par contre, l'UE a fait baisser les salaires dans les métiers manuels avec les migrants d'Europe de l'Est qui ont profité de la liberté de circulation".

Adam Dutton surenchérit : "Je suis d'accord avec Graeme. Beaucoup de gens vont dire que l'UE aggrave leur situation, mais la plupart de nos problèmes peuvent être réglés à Londres. Nous en sommes responsables. Les villes du Nord comme Liverpool n'ont pas souffert plus qu'ailleurs à cause de l'UE".

Boris Johnson n'est-il pas outrancier ?

Posée par un interlocuteur anonyme, la question s'adresse au pro-Brexit Graeme Coombes: "croyez-vous à ce que raconte Boris Johnson" [qui s'est engagé vigoureusement pour le Brexit]? "Ne pensez-vous pas que les propos excessifs et mensongers de l'ex-maire de Londres ont pesé sur le choix de certains ?"

Réplique de l'intéressé : "J'aime bien Boris, je l'ai rencontré plusieurs fois, il est franc. La campagne n'a pas été très réussie dans les deux camps cela dit, il y a eu beaucoup de jeu sur la peur, cela a beaucoup divisé".

Quelles conséquences pour le Premier ministre David Cameron si le "Leave" l'emporte ?

Quelles pourraient être les conséquences d'un Brexit pour le pouvoir en place et notamment pour David Cameron ? La réponse n'a rien d'évident. Comme le rappelle notre journaliste, le Premier ministre, David Cameron, a assuré qu'il ne démissionnerait pas et se chargerait de négocier avec Bruxelles les conditions de la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Mais il y a de fortes chances qu'il soit contraint de quitter son poste, car il a mené la campagne pour le maintien. En tout cas, Brexit ou pas, les figures du "Leave" vont sans doute être mieux représentées au gouvernement.

Graeme Coombes, plus péremptoire, pense que "David Cameron ne sera plus Premier ministre demain après-midi s'il y a un Brexit. Je ne vois pas, vu son rôle dans la campagne, comment il pourrait conserver le soutien du parti et rester à son poste".

Quelles conséquences sociales et environnementales en cas de Brexit?

Autre interrogation : "pourquoi ne parle-t-on que des enjeux financiers et économiques ? Quid des conséquences sociales, environnementales, en cas de Brexit ?"

Les deux militants ont visiblement déjà débattu du sujet ...avec des avis divergents . L'anti-Brexit Adam Dutton estime que "le gouvernement conservateur actuel [de David Cameron] fait en sorte de supprimer de nombreuses normes. Si elles ne lui étaient plus imposées par Bruxelles, ces régulations risquent d'être supprimées, sur la qualité de l'eau, la protection des oiseaux, etc. Toutes les régulations seront revues, très rapidement, et j'ai peur des dégâts". Il dit aussi aimer "les politiques environnementales de l'UE, où tout le monde s'y met, par exemple pour lutter contre le changement climatique et montrer la voie à d'autres pays du monde. Idem pour le droit du travail, quand tous les pays font pareil et n'ont pas à craindre le dumping social du voisin".

Aux yeux du pro-Brexit Graeme Coombes, "la bureaucratie de Bruxelles nous impose un tas de normes. On voudrait en garder certaines, en supprimer d'autres, notamment pour les petites entreprises. Il y aurait des conséquences environnementales et sociales, mais ce sont des sujets qui touchent les gens, donc le gouvernement n'a pas intérêt à tout détruire".

Quelle forme prendrait le départ ?

"Si le résultat du référendum est de quitter l'UE, le pays va-t-il obligatoirement quitter l'UE et dans quels délais ?", demande un autre internaute.

Adam Dutton "ne voit pas le gouvernement aller à l'encontre du vote des Britanniques. Tout va plutôt se jouer sur le futur partenariat avec l'Union européenne, qui pourrait bien prévoir un maintien de la libre-circulation des personnes afin d'avoir accès au marché unique européen. Cela pourrait déplaire au camp du Leave".

Graeme Coombes indique que "le Parlement devra se prononcer sur le sujet avant que cela n'arrive. Je pense qu'il y aura bien un départ, même si rien ne nous y oblige. Je pense que ça va prendre deux ans, car il y a beaucoup de choses à négocier, dont certaines en priorité, notamment pour rassurer les marchés financiers".

Un retour est-il possible ?

Un Brexit serait-il un adieu ou un au revoir ? Formulé plus familièrement par un lecteur : "Bonjour les gars ! Je ne comprends pas pourquoi le "Remain" dit : "si nous quittons, nous ne pourrons plus revenir". N'est-ce pas un peu exagéré ?"

"Cela veut dire que si on revient, Bruxelles nous imposera de rejoindre la zone euro et l'espace Schengen, ce que la majorité des Britanniques ne voudra pas. Si un gouvernement tente de rejoindre l'UE en respectant ces conditions, il se fera trucider par l'électorat" assène Adam Dutton.

Peut-il y avoir des conflits ou des tensions avec d'autres pays, après le Brexit ?

Le Brexit induira-t-il des conflits ? Non, pour Graeme Coombes, cela ne changerait rien car "il y a déjà des tensions dans l'UE, comme l'an dernier entre l'Allemagne et la Grèce, par exemple. On pourra rester associé aux autres pays et éventuellement prendre des décisions communes".

Adam Dutton abonde : "Les démocraties ne font pas la guerre entre elles. Mais notre diplomatie sera plus forte en restant dans l'UE".

Et le foot dans tout ça ?

Last, but not least :  si les Britanniques quittent l'UE, les joueurs de nationalités européennes deviendraient-ils extra-communautaires, est-il possible que cela entraîne ainsi un départ massif des joueurs étrangers de Première League, dans le cas du championnat anglais ?

Réponse commune de nos deux militants : "Le football est une histoire de gros sous, et les gros sous permettent de tout résoudre. Les grands clubs auront ce qu'ils veulent. Cela posera peut-être plus problème pour les petites équipes. Et cela pourrait être bon pour l'équipe nationale". Le mot de la fin. 

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