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Comment Theresa May a-t-elle obtenu de l'Union européenne un nouveau report du Brexit ?

La Première ministre britannique a obtenu des 27 un délai jusqu'au 31 octobre pour présenter une nouvelle fois son accord au Parlement. 

Article rédigé par franceinfo
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(De droite à gauche) La chancelière allemande Angela Merkel, la Première ministre britannique Theresa May, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel et le président du Conseil européen Donald Tusk, lors d'un sommet européen, à Bruxelles (Belgique), le 10 avril 2019.   (REUTERS)

Encore un faux départ. Dans la nuit du mercredi 10 au jeudi 11 avril, les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne ont accordé un nouveau sursis à Theresa May, empêchant une sortie sans accord du Royaume-Uni de l'UE le 12 avril. Le 21 mars, ses homologues avaient déjà décidé d'un report du Brexit, initialement prévu huit jours plus tard. Cette fois, tous l'assurent : le Royaume-Uni ne pourra pas demander d'extension au-delà du 31 octobre, nouvelle date officielle du divorce.

Theresa May plaidait pour une extension jusqu'au 30 juin, idéale pour tenter de convaincre à nouveau les députés britanniques de valider son accord puis de le ratifier avant la première session du nouveau Parlement européen, le 2 juillet. Elle a finalement obtenu un report plus long, mais assorti de la garantie de pouvoir sortir de l'UE prématurément si possible. Bref, une belle victoire pour une Première ministre qui arrivait pourtant à Bruxelles sans cartes en main. 

Une prestation "solide"

Theresa May part de loin. Face aux dirigeants européens, la Première ministre britannique avait complètement manqué son dernier grand oral bruxellois, le 21 mars. Alors que l'UE martelait qu'aucune extension n'était possible au-delà des élections européennes de fin mai, Theresa May était restée arc-boutée sur une extension jusqu'au 30 juin, convaincue qu'elle pourrait grappiller de précieuses semaines tout en échappant à l'organisation du scrutin européen. Interrogée par les 27, elle n'avait pas su convaincre ses homologues de son plan.

Dès le lendemain, l'AFP avait raconté comment Theresa May avait certes gagné une extension, mais perdu le respect de ses homologues. Dans les comptes-rendus de la presse, elle était décrite comme incapable d'argumenter, "vague" et "peu loquace". Ses homologues, eux, étaient "exaspérés". "La classe politique britannique est incapable de faire ce que le peuple lui a demandé", s'était même agacé Emmanuel Macron, tandis que Jean-Claude Juncker apparaissait "au bout du rouleau", selon une source proche du président de la Commission européenne à l'AFP. 

Après cet échec cuisant, une Theresa May remontée à bloc pousse de nouveau les portes de la Commission, mercredi 10 avril. Cette fois, son plaidoyer pour une extension dure une heure. Parmi ceux qui y assistent, certains décrivent une Première ministre "bien plus solide que d'habitude, quand bien même elle n'entre pas assez dans les détails"

Des dirigeants résignés

Ces nouvelles discussions à Bruxelles se sont déroulées dans une ambiance de faux suspense. Plusieurs jours avant le sommet, le gouvernement britannique avait fait savoir que tout était mis en œuvre pour que le pays organise des élections européennes. Cette annonce traduisait un assouplissement de la position de Londres, qui ne fermait plus la porte à une extension longue. A Bruxelles, où l'on craignait que les tergiversations outre-Manche ne paralysent les institutions européennes, cette garantie avait apaisé les esprits.  

Quand Theresa May prend la parole mercredi, elle sait que sa proposition d'un report au 30 juin sera rejetée. La veille, elle en a discuté en tête-à-tête avec Angela Merkel à Berlin, puis avec Emmanuel Macron à Paris. Avec la première, elle plaisante même un instant, en lui montrant un photomontage moquant la ressemblance entre leurs deux tenues : un tailleur d'un bleu presque "européen".

Theresa May sait aussi que l'UE ne veut pas non plus prendre le risque de voir le Royaume-Uni quitter l'Union sans "deal". Après avoir recueilli de nombreux témoignages provenant de la Commission européenne, le quotidien belge Le Soir écrit d'ailleurs que "le report [du Brexit] est inévitable, car aucun dirigeant n’aura la volonté ou le courage, voire les deux, de refuser une extension et par là de précipiter le Royaume-Uni, et un peu aussi l’UE, dans une sortie chaotique…"

Pour le Guardian (en anglais), les chefs d'Etat et de gouvernement sont "mentalement préparés à une longue extension pouvant aller jusqu'à un an, avec une option pour permettre au Royaume-Uni de quitter l'Union dès que l'accord sera ratifié [par le Parlement britannique]". 

Emmanuel Macron dans le rôle du "méchant"

Selon le quotidien britannique, la cheffe du gouvernement a bénéficié de la relative bienveillance de ses homologues. Ainsi, ce n'est pas Theresa May qui "a causé le plus d'irritation cette nuit. C'est Emmanuel Macron qui a frustré l'assemblée avec son refus de se satisfaire d'une extension longue que la plupart des dirigeants étaient prêts à accepter", écrit le Guardian

Quand il prend la parole, le président français déclare aussitôt que les arguments de Theresa May ne l'ont pas convaincu. L'Allemagne, les pays baltes, la Pologne, la Hongrie, le Portugal, les Pays-Bas, la Grèce… "Les uns après les autres, les dirigeants prennent la parole pour dire qu'ils ne voient pas de problème à accorder un report long", isolant Emmanuel Macron, décrit encore le quotidien britannique. Selon un diplomate cité par le Guardian, Jean-Claude Juncker a lancé, exaspéré : "Voilà que nous réglons les problèmes intérieurs de la France !" 

Après minuit, les 27 ont réussi à s'accorder, en coupant la poire en deux : une extension "moyenne". Lors de sa conférence de presse, jeudi matin, Theresa May l'a assuré : "Les choix auxquels nous faisons face sont simples et le calendrier est clair (…) Nous, au Royaume-Uni, devons tous travailler à avancer au Parlement pour ratifier l'accord de retrait." Où comment la dirigeante a fait douter, hésiter et changer d'avis l'Europe entière, sans jamais revoir sa position. 

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