Conflit sur la pêche : "C'est malsain, on doit travailler en bonne entente", appelle le comité régional des pêches de Normandie
"On a besoin de retrouver des relations bilatérales apaisées" avec le Royaume-Uni, a estimé Dimitri Rogoff, le président du comité régional des pêches de Normandie, sur franceinfo.
"C'est malsain, on doit travailler en bonne entente et pas se regarder comme ça, en chiens de faïence", a regretté jeudi 28 octobre sur franceinfo, Dimitri Rogoff. Le président du comité régional des pêches de Normandie a appelé Londres à "mettre un peu d'eau dans son vin" et à délivrer d'autres licences de pêche dans ses eaux. Selon l'ancien ministre de la pêche Stéphane Travert, "2 127 licences doivent être accordées" et "il n'y en a que 1 913", à ce stade.
Dans le conflit franco-britannique sur la pêche post-brexit, Gregory Guida, le député et ministre de Jersey a renvoyé la faute aux pêcheurs français, assurant que s'ils n'obtenaient pas de Jersey et du Royaume-Uni les licences nécessaires pour pêcher dans les eaux britanniques, c'est parce qu'ils "n'envoyaient pas les preuves" que ces navires pêchaient déjà dans les eaux britanniques avant le Brexit.
franceinfo : Que répondez-vous au ministre de Jersey ?
Dimitri Rogoff : Il joue un peu sur les mots. Les autorités de Jersey connaissent très bien les bateaux français. Ils savent très bien qu'un certain nombre de bateaux ont déjà pêché dans leurs eaux, et que leurs permis n'ont pas été reconnus. Cela concerne des bateaux de petite pêche, qui n'ont pas de suivi GPS, satellitaires. On doit donc amener un faisceau de preuves, et c'est là où est toute l'ambiguïté. Jersey décortique les dossiers avec une méthode que l'on ne connaît pas. A l'échelle de la Normandie, une quinzaine de bateaux sont en attente de leur permis. On sait pertinemment qu'ils ont toujours pêché dans les eaux de Jersey. Ils ont du mal à fournir toutes les preuves demandées, ou eux n'acceptent pas les preuves qui sont proposées. C'est là où on a un blocage.
C'est donc faux quand Gregory Guida dit que beaucoup de bateaux demandant une licence n'ont jamais mis les pieds à Jersey ?
Il y a peut-être des bateaux dont la présence n'a pas été continue ces dernières années. Les pêcheurs sont nomades, ils suivent le poisson. S'ils ne sont pas du côté de Jersey une année, ils n'y vont pas. Et inversement. Et puis, il n'y a pas de frontière matérialisée en mer. Parfois, ils sont côté français. Parfois, ils sont côté britanniques. Des fois, ils l'indiquent mal sur les fiches mensuelles de pêche. Là, on a des gens qui jouent un petit peu sur les mots, qui nous titillent. C'est malsain, ce sont des îles anglo-normandes, nos plus proches voisins. On doit travailler en bonne entente, et pas se regarder comme ça en chiens de faïence.
La France a-t-elle raison selon vous, de brandir la menace des mesures de rétorsion ? Si rien ne change, dès mardi, elle interdira aux pêcheurs britanniques de débarquer dans les ports français, et les contrôles douaniers seront renforcés.
Tout à fait. Si des mesures de rétorsion sont annoncées, c'est bien parce qu'il y a un vrai problème avec le Royaume-Uni, qui dépasse même le cadre des licences. Le Royaume-Uni négocie les termes de l'accord du Brexit, ligne par ligne, pour être le moins pénalisé possible. Ce n'est pas une façon de travailler. L'accord est ce qu'il est. Il faut l'appliquer tel quel. Cela fait dix mois que le Royaume-Uni est officiellement sorti de l'Union européenne, et on en est toujours à discuter sur des mots, des lignes. C'est assez malsain. On a besoin de retrouver des relations bilatérales apaisées. Là, les demandes de licences passent par Paris, puis Bruxelles, puis Londres, puis ça revient à Jersey. Ce n'est pas une façon de travailler, alors qu'on a toujours agi en bilatéral. Il faut retrouver des discussions plus simples entre nous.
Londres dit qu'il aura une réponse calibrée et appropriée aux sanctions de Paris. Y a-t-il pour vous un risque de spirale, d'escalade ?
Il y a un risque de spirale, notamment tout ce qui touche au contrôle en mer. Londres va se venger, ce n'est pas la bonne solution. Sachant qu'en plus, au niveau maritime, ils sont quand même plus costauds que nous. Ils peuvent devenir plus embêtants. Et comme de nombreux pêcheurs français vont dans les eaux de la zone économique exclusive (ZEE) britannique, on risque du harcèlement de nos pêcheurs. Ça va être une forme d'escalade qui sera mal vécue, des deux côtés. Ça va devenir délétère, malsain, et il faut éviter ça. Il faut que chacun fasse un bon pas en avant, mette un peu d'eau dans son vin, délivre des licences, et qu'on puisse travailler de façon apaisée. Il y a moyen. Il y a des discussions techniques en cours en ce moment. Mais il faut que Londres se porte un peu plus volontaire qu'il ne l'est actuellement.
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