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Royaume-Uni : deux ans après le Brexit, le blues des PME assommées par les formalités administratives et les frais de port

Les PME britanniques ont vu leur quotidien compliqué à l'extrême avec le Brexit. Deux ans après l'accord, un récent rapport recommande des aménagements, largement espérés par ces entrepreneurs éreintés.
Article rédigé par Richard Place
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Sam Martin, 35 ans, a fondé Apothecary 87, une marque de cosmétique pour hommes basée à Doncaster. (RICHARD PLACE / RADIO FRANCE)

Deux ans de Brexit et l’économie britannique souffre. La sortie de l’Europe a sacrément compliqué la vie des petites et moyennes entreprises du Royaume-Uni, si l'on en croit la conclusion d’un récent rapport de la chambre de commerce britannique (article en anglais), qui demande des aménagements à l’accord conclu entre Londres et Bruxelles. Les pro-Brexit promettaient aux patrons plus de croissance et moins de paperasse grâce au Brexit, 77% des PME disent aujourd’hui que ce n’est pas le cas.

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Parmi ces compagnies, Apothecary 87, une marque de cosmétiques pour hommes basée à Doncaster, pas loin de Sheffield, dans le nord de l’Angleterre. Son patron, Sam Martin, 35 ans, a créé cette société en 2013. Les affaires marchent bien dès le début. Il emploie une dizaine de personnes et vend ses shampooings et ses savons à barbe aussi bien à des particuliers qu’à des salons de coiffure. Quelques clics sur son site donnent à voir des frais de port limités et une marchandise rapidement livrée n’importe où en Europe. Il ne lui restait qu'à homologuer ses produits via un portail européen en ligne pour pouvoir arroser tout le continent.

"C'était le chaos"

Sept ans plus tard, le Brexit entre en vigueur avec un accord commercial signé au dernier moment entre Londres et Bruxelles. Et là, c’est "le chaos", dit Sam Martin.

"Personne ne savait vraiment ce qu’il fallait faire. Nous avons dû travailler avec des sociétés qui non seulement nous aidaient à homologuer nos produits mais aussi s’assuraient que l’on remplissait bien toutes les conditions : tout cela a un coût !"

Sam Martin

à franceinfo

"Puis, poursuit-il, il a fallu tout réenregistrer sur le portail britannique de cosmétiques, tout nouveau. Une copie de l’européen; certes, mais qui a engendré des coûts supplémentaires. C’était un gros obstacle." Qu’il a fini par surmonter, mais cela lui a coûté beaucoup d’argent, et beaucoup d’énergie. Le plus gros problème, qui persiste, sont les envois vers l’Europe.

Les frais de port ont explosé

Avant, il envoyait 15 euros de marchandise avec à peu près autant de frais de port. Aujourd’hui, le seul transport coûte à peu près 50 euros. Qu’il ne peut pas assumer bien sûr. Et s’il le fait peser sur le client, la facture devient bien trop élevée, il perd la commande.

Surtout que le transport exige un lot de documents qui n’existait pas auparavant. Là encore, du temps, de l’énergie, une perte de revenus. Sachant qu’en plus le risque est grand de ne pas avoir parfaitement rempli un formulaire, différent selon chaque pays. Et là, c’est retour à l’expéditeur. Donc du stress et un manque à gagner. "Notre stratégie d’entreprise se concentre maintenant sur le Royaume-Uni, se résigne Sam Martin. Les freins à l’exportation sont devenus tellement nombreux. L’Europe était notre plus gros marché, en dehors de la clientèle britannique, avant le Brexit. C’est désormais une petite part de notre chiffre d’affaires. Jusqu’à ce que l’on trouve des moyens plus faciles pour exporter."

Un parcours du combattant

Les contraintes sont différentes dans chaque pays. Il a renoncé à vendre en Italie et en Espagne aujourd’hui, trop compliqué. Evidemment, tout ceci freine le développement de son entreprise, les éventuelles embauches. Il est déjà bien content d’avoir réussi à maintenir les emplois existants. Développer son réseau au-delà de l’Europe, il l’a déjà fait, vers les Etats-Unis notamment. Mais sur de petits montants, de petites quantités, pour sa société, il n’y a pas de modèle économique rentable outre-Atlantique ou en Asie. Le débouché le plus proche, le plus évident, est l’Europe.

Le parcours du combattant que décrit Sam, le vendeur de cosmétiques, peut être encore plus long. C’est le cas pour les denrées alimentaires. À toute la paperasse et les contrôles nécessaires s’ajoutent d’autres certifications, sanitaires en particulier. Intenable pour les sociétés concernées. Cette fois c’est chambre de commerce britannique qui le dit. Par la voix de David Bharier, son chef de la recherche : "À cet instant, si vous voulez acheter et vendre de la nourriture à travers l’Union européenne, vous devez obtenir des certificats. Cela coûte de l’argent, cela prend du temps. Dans certains cas, il faut la signature d’un vétérinaire pour exporter. Nous pensons qu’il faut renégocier avec l’Europe pour éviter cette paperasse supplémentaire."

Pendant la campagne en 2016, les pro-Brexit présentaient l’Union européenne comme un monstre bureaucratique. Six ans et une sortie de l’Europe plus tard, les PME du Royaume-Uni sont ralenties, certaines ont même coulé, noyées sous la paperasse et les formulaires.

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