Laura : «La nuit, nous mourons de froid. La France est dure»
Un poêle de fortune tente de combattre le froid glacial qui, depuis quelques semaines, règne dans le bois. Nous sommes à vingt kilomètres de Paris, sur une petite parcelle de chênes et de bouleaux où seuls les oiseaux, le souffle des joggers et le passage des RER rompent le silence.
Juste à côté, un terrain de football, une université, une autoroute, des sportifs, des étudiants, des gens qui vont au travail, partent en vacances. La vie.
Dans le sous-bois, des rires d'enfants, de la musique, de la boue, des femmes qui balaient, cuisent le pain ou font la vaisselle. La vie, aussi. Mais pas la même que chez ceux «d'à-coté».
Sur la «platz», le camp que Laura, ses deux sœurs, leurs maris et enfants ont improvisé, on s'amuse d'un rien. Et pour cause : il n'y a rien. Rien à manger, rien pour se laver, pas d'argent. Certains sourires masquent très mal le désarroi, la peur du jour à venir qui, à nouveau, va s'emparer des adultes ce matin-là.
«Donnez-moi une chambre, un studio, comme en Espagne. J'irai chaque jour travailler.» Car la journée de Laura, comme celle de tant d'autres Roms, c'est d'abord trouver de quoi manger dans les poubelles du centre commercial proche, aller chercher de l'eau, du bois, s'occuper des enfants des autres... partis effectuer une autre tâche.
Deux des huit enfants vont à l'école. «Mais on ne veut pas jouer avec nous, car nous sommes des Roms.» Six ans et déjà l'expérience de l'exclusion. Mais Samuel et Isabelle exhibent de larges sourires et n'en finissent plus de faire les pitres. Eux se fichent pas mal de ce trou dans la chaussure du garçon. Ce trou pointé du doigt dans la cour de l'école. Exclusion, stigmatisation. Le petit dernier des cousins passe en hurlant, une boîte remplie de cailloux sous le bras. Sa sœur le poursuit, pieds nus, en ce matin de décembre.
Laura n'excuse pas le racisme dont elle se sent l'objet : «On ne nous dit qu'une chose : partir, partir», mais elle dit le comprendre, aussi : «Il y en a qui volent, c'est sûr... alors, je comprends, parfois, mais il ne faut pas nous mettre tous dans le même panier, les gens ne sont pas tous semblables !»
S'il n'y avait pas eu la crise, elle serait restée en Espagne, où elle a passé neuf ans. Neuf ans à faire le ménage chez des particuliers ─ mais une période de sa vie avec un toit, de l'argent.
Aujourd'hui, Laura aimerait repartir en Roumanie... mais elle n'y a pas de maison et, «en cette saison, il y fait encore plus froid qu'ici». Alors, elle attendra de l'aide, desespérée comme en ce jour où nous la rencontrons, et où sous ses traits durs point une tristesse infinie.
Ce reportage a été réalisé avec Gil Roy.
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