Le Parlement européen, le parlement d'une Union sans Etat
Le début de l’histoire est très, très institutionnel… Née en 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) comptait à l’origine une assemblée dite «Assemblée commune»(Nouvelle fenêtre), composée de 78 députés désignés par leurs parlements nationaux, sans réels pouvoirs(Nouvelle fenêtre). Installée depuis l’origine à Strasbourg, celle-ci rassemblait alors six Etats, les six fondateurs de l’UE : Allemagne fédérale, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas.
Avec la signature du Traité de Rome en 1958, l’Assemblée passe à 142 membres et devient l’«Assemblée parlementaire européenne». Pour, quatre ans plus tard, prendre le nom de «Parlement européen» (PE), son nom actuel. Mais le changement de nom ne lui donne pas davantage de pouvoirs…
Les choses commencent à bouger en juin 1979, avec l’élection directe des «eurodéputés». Malgré une abstention(Nouvelle fenêtre) toujours plus importante des électeurs: en 30 ans, entre 1979 et 2009, la participation a baissé de près de 20%, passant de 63 à 43,4% (40% en France).
La suite de l’histoire évolue au fil des élargissements successifs de l’Union européenne(Nouvelle fenêtre), de 1973 à 2013. Les effectifs du PE s’adaptent à chaque fois à la nouvelle donne, le nombre de parlementaires par pays étant fixés en fonction de la population de chacun d’entre eux. L’institution compte aujourd’hui 766 membres. A la suite de l’entrée dans l’Union de la Croatie (le 30 juin 2013) et conformément au traité de Lisbonne(Nouvelle fenêtre), ceux-ci ne seront plus que 751 lors de la prochaine législature en 2014.
Chocolat, Reich et Bolkestein
Dans le même temps, le Parlement a acquis de plus en plus de pouvoirs : en 1993, le traité de Maastricht(Nouvelle fenêtre), celui qui a créé l’euro, instaure la codécision(Nouvelle fenêtre). C'est-à-dire la parité dans la prise de décision entre le PE et le Conseil(Nouvelle fenêtre). En clair, aucune des deux institutions n’est en mesure d’adopter un acte législatif sans le consentement de l’autre. Ce mécanisme, désormais appelé «procédure législative ordinaire», concerne plus de 120 domaines, notamment la politique agricole commune, la justice et la sécurité.
Codécision ou pas, l’institution vote aujourd’hui des mesures qui ont des conséquences directes sur la vie quotidienne de 507 millions d’Européens. Un résumé succinct de ces mesures donne un véritable inventaire à la Prévert… On trouve ainsi la directive «chocolat»(Nouvelle fenêtre) (2000) autorisant l’utilisation, dans la production de chocolat, de matières grasses végétales autres que le beurre de cacao. On trouve aussi de nouvelles réductions tarifaires du téléphone portable (roaming), adoptées en 2010…
Certaines mesures votées ont déclenché de vives polémiques(Nouvelle fenêtre) en France comme par exemple la directive Bolkestein(Nouvelle fenêtre) sur les services (2004), du nom d’un commissaire néerlandais. D’autres ont un impact économique fondamental, tel le projet de règlement sur le contrôle des produits chimiques, dit directive Reach(Nouvelle fenêtre) (2006). Reach a ainsi imposé aux industriels de démontrer d’ici 2018 l’innocuité de quelque 30.000 substances produites ou importées dans l’UE.
Poids politique
Dans le même temps, le PE a renforcé son poids politique. En 1999, son action a, pour la première fois, contraint à la démission(Nouvelle fenêtre) la Commission(Nouvelle fenêtre) de Bruxelles, alors présidée par le Belge Jacques Santer, à la suite de la publication d’un rapport(Nouvelle fenêtre) d’experts indépendants sur des fraudes commises par certains commissaires. A commencer par Edith Cresson(Nouvelle fenêtre), condamnée en 2006 pour favoritisme à Bruxelles pour l’embauche d’un de ses proches comme membre de son cabinet. De la manière d’instiller une nouvelle culture politique en Europe…
Le Parlement est également devenu un lieu important du débat politique européen. Désormais quand son actuel président, l’Allemand Martin Schulz, annonce sa candidature(Nouvelle fenêtre) à la succession de José Manuel Barroso à la tête de la Commission, l’information fait la une. Et certaines images, les meilleures et les pires, ont marqué l’opinion.
Parmi ces images, le discours de François Mitterrand, très malade, le 17 janvier 1995, dans l’hémicycle de Strasbourg, dans lequel il l’expliquait : «Le nationalisme c’est la guerre». Ou le dérapage(Nouvelle fenêtre), en juillet 2003, du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, lançant à l’adresse de Martin Schulz, alors leader des députés SPD (sociaux-démocrates): «Je sais qu’en Italie il y a un producteur qui est en train de monter un film sur les camps de concentration nazis. Je vous proposerai pour le rôle de kapo(Nouvelle fenêtre). Vous êtes parfait.»
Le discours de Mitterrand au Parlement européen le 17 mai 1995
Arte, vidéo mise en ligne le 10-5-2011
Strasbourg ou Bruxelles ?
Pour autant, le PE n’a pas encore acquis le rôle d’une «vraie» institution parlementaire dans une Union européenne qui n’a pas le statut d’Etat fédéral. Ses pouvoirs sont ainsi entravés par de multiples obstacles institutionnels. A commencer par le problème de la localisation de son siège : outre Strasbourg, les activités du Parlement se déroulent aussi à Luxembourg et, surtout, Bruxelles.
En 1999, sur la pression de la France, le traité d’Amsterdam avait officiellement fixé le siège de l’institution à Strasbourg(Nouvelle fenêtre). Mais aujourd’hui, ce choix ne fait toujours pas consensus. La capitale de l’UE est de fait Bruxelles, ce qui complique, c’est un euphémisme, l’activité du PE. D’autant que ce dernier dispose d’un second hémicycle dans la cité belge.
Pour les pro-Strasbourg, la ville alsacienne incarne l’histoire de la construction européenne. De plus, elle est le symbole de la réconciliation des nations du Vieux continent après la Seconde guerre mondiale. De leur côté, les anti font valoir que l’hémicycle strasbourgeois ne sert que… 48 jours par an. Et ils ont beau jeu de rappeler que le coût des transhumances(Nouvelle fenêtre) des eurodéputés est estimé à 200 millions d’euros par an.
Dans ce contexte, le PE a voté le 20 novembre 2013 une résolution(Nouvelle fenêtre) demandant à ce que l’institution siège dans «un lieu unique». Comprenez : à Bruxelles… L’un des deux rapporteurs du texte, le conservateur britannique Ashley Fox, a critiqué les Français protégeant, selon lui, un «intérêt national égoïste». De son côté, Paris a rappelé la nécessité de respecter les traités qui «traduisent la volonté des bâtisseurs de l’Europe de construire une Europe polycentrique». Mais il n’est pas sûr que les symboles et le «polycentrisme» puissent résister longtemps aux réalités fonctionnelles et financières.
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