Le Portugal, un "nouvel eldorado" fragile
Le gouvernement socialiste est bien placé pour remporter le scrutin législatif ce week-end. En quatre ans, il a réussi à relancer la croissance et l’emploi. Mais tous les Portugais ne tirent pas profit de cette prospérité retrouvée.
Dimanche 6 octobre, les Portugais sont appelés aux urnes pour les élections législatives. Le gouvernement socialiste, arrivé au pouvoir en 2015 avec l’appui de l’extrême gauche, devrait remporter le scrutin sauf surprise de dernière minute. En quatre ans, le bilan est plutôt positif avec une croissance relancée et un taux de chômage qui devrait s'établir à 6,6% pour 2019. Mais certains Portugais n'y trouvent pas leur compte.
"Tout augmente mais on est toujours au smic"
Comme Helena, qui porte des faux ongles couleur corail et se teint les cheveux pour paraître plus jeune. La cinquantaine, elle s’épuise depuis dix ans dans l’un des innombrables centres d’appels de Lisbonne. Huit heures par jour, casque sur les oreilles, elle répond aux clients mécontents. "On nous dit que le pays va mieux, alors pourquoi est-ce que rien ne change dans notre profession ?", se demande-t'elle. Ceux qui nous emploient font des bénéfices faramineux et tout augmente, le gaz, l’électricité… Mais nous, on travaille toujours dans des conditions très dures, avec beaucoup de pression et de précarité et on est toujours au smic ! Comment voulez-vous vivre, avec un smic ?", interroge-t-elle excédée.
Les loyers se sont envolés de 70% en 5 ans
Le salaire minimum, revalorisé chaque année depuis 2015, plafonne à 700 euros bruts alors que l’immobilier, tiré par le tourisme, s’envole. À Lisbonne, en cinq ans, les loyers ont augmenté de 70%. Pour un Portugais ordinaire, devenir propriétaire dans certains quartiers est difficile. Les acheteurs sont surtout brésiliens, français ou originaires d’Afrique du Sud.
Il y a six ans, le mètre carré était à 3 000-3 500 euros et rien ne se vendait. Aujourd’hui, il est à 8 000-8 500 euros et il y a bien plus de demandes que d’offres.
José Morgado Da Silva de la société de conseil en investissement immobilier, PVW Tinsaà franceinfo
À coups d’exonérations fiscales et de permis de séjour, le Portugal a déroulé le tapis rouge aux investisseurs étrangers. Ce qui fragilise son économie tout entière, selon Carla Costa, enseignante à l’université de Lisbonne : "Je ne suis pas négative mais je pense qu'il faut être réaliste. On ne peut pas grandir seulement appuyé par ce type d'investissements parce que quand la conjoncture tourne, quand elle se modifie, nous sommes plus vulnérables."
En parallèle, le manque d’investissements publics pénalise les domaines de la santé, de la justice, de l’éducation, des transports qui se dégradent à vue d’œil. Ce sera le chantier prioritaire du prochain gouvernement.
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