L’Ukraine s’invite aux élections européennes
En France, certains à l’UMP sont déjà tentés de faire la comparaison entre le comportement de François Hollande aujourd’hui et celui de Nicolas Sarkozy durant la crise en Géorgie en août 2008. Comparaison douteuse puisqu’à l’époque la France présidait l’Union européenne ce qui donnait au Président français certaines marges de manœuvre pour réveiller Bruxelles. Autre argument qui permet de rejeter la comparaison : il s’agissait d’une intervention directe de la Russie sur les terres géorgiennes en réponse à une attaque lancée par le Président géorgien sur sa province pro russe, l’Ossétie du Sud. On n’en est pas là aujourd’hui. Mais la petite musique « Nicolas, c’est mieux que François », même en politique étrangère, fait probablement son chemin dans les cerveaux.
Toujours concernant la France, beaucoup s’interrogent sur la facilité avec laquelle le gouvernement a envoyé des troupes au Mali ou en Centrafrique au nom des droits de l’Homme et la non-intervention en Syrie ou en Ukraine. Au-delà des arguties de légitimité juridique données par la Communauté internationale via l’OTAN, on voit bien que si l’on agit plus facilement au Mali ou en Centrafrique c’est que l’on est seul sur le coup alors que derrière la Syrie ou l’Ukraine on trouve la Russie. Les dégâts collatéraux d’une intervention seraient sans commune mesure. Là encore, l’argument est facile à rejeter mais, pour ceux qui préfèrent « la Corrèze avant le Zambèze », la longue indifférence des autorités françaises face à la crise en Ukraine risque d’être difficile à effacer
En me demandant si la crise ukrainienne n’aurait pas un impact sur le vote aux Européennes je pensais à d’autres arguments :
Pour donner envie de voter aux Européennes il faut démontrer que l’Union européenne sert à quelque chose. Cette protection qu’elle nous promet, cette solidarité dont elle se vante, ces institutions qu’elle défend, pour qu’on y croie, il faut qu’elle nous en apporte des preuves. Or qu’a-t-on vu ces derniers mois ?
Des institutions sans stratégie, des états membres repliés sur leurs intérêts, un pays voisin s’enfoncer dans un bain de sang.
Ainsi on a plus souvent vu Catherine Ashton en Egypte et en Iran qu’en Ukraine ou en Russie. On croyait pourtant la politique de voisinage au cœur des préoccupations de la Haute représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Manifestement la diplomatie européenne reste sur ses vieilles lunes préférées, la politique au Proche et Moyen Orient. A la décharge de Mme Ashton il faut préciser qu'il existe un Commissaire européen uniquement chargé de la Politique de voisinage, un Tchèque, et que chaque Commissaire aprécie peu que l'on empiète sur son territoire. Ce partage des tâches n'a pas du faciliter l'émergence d'une action commune rapide...
On a vu un Sommet de Vilnius raté. C’était fin novembre dernier dans la capitale lituanienne. Ukraine et UE doivent signer un partenariat mais (et c'est un proche de Madame Ashton qui me le dit) la Commission européenne ne comprend pas que l’Ukraine va refuser de choisir entre l’Union européenne et la Russie. Faute de l’avoir anticipé elle n’a rien préparé pour rebondir. Même pas capable d’imaginer que l’Ukraine ne puisse pas préférer l’eldorado promis par l’économie de marché européenne à la cage dorée que lui fait miroiter Poutine. Et quand les premières émeutes ont commencé à Kiev, la seule phrase que l’on entendait dans les milieux européens était : « Vous voyez que les gens ont tort de cracher sur l’Europe : ceux qui sont en dehors se battent pour y rentrer ». Tout cela ne fait pas une politique.
Les grands états européens n’ont pas non plus été à la hauteur. Chacun a d’abord vu l’évènement avec ses lunettes et a agit en conséquence. La France avait d’autres chats à fouetter et puis l’Ukraine est quand même plus loin que le sud de la Méditerranée, non ? L’Allemagne a fait profil bas par peur des Russes qui l’alimentent en gaz. La Pologne, très en pointe dans le partenariat oriental et très remontée contre les Russes, semblait bien seule. Quand aux autres pays membres, RAS.
Il a fallu les morts de ces derniers jours pour qu’enfin, la diplomatie européenne se réveille. Deux ministres et demi sur place et le Président ukrainien bouge enfin. Vous voyez qu’elle peut l’Europe quand elle veut ! Alors, pourquoi tant de temps perdu ? Cette lenteur face aux crises fait elle partie inhérente du fonctionnement européen ? Crise de l’Euro, crise de la dette, crise de l’Ukraine. Autant d’exemples d’indécision, de tergiversation, d’aveuglement.
Certes, il vaut mieux réfléchir avant d’agir mais les chefs d’état et de gouvernement de l’UE ne donnent pas vraiment le sentiment qu’ils réfléchissent à long terme.
Une telle attitude peut elle donner envie de se déplacer un beau dimanche de mai pour aller voter ?
Les candidats au poste de député européen vont devoir au moins créer ce désir. Ne serait-ce que pour être légitime à leur poste !
Vont-ils réussir ? Le nom de certaines têtes de liste me permet d’en douter.
Dernière minute : Les élections anticipées ukrainiennes auront lieu le jour des européennes. Qui va influencer l’autre ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.