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Malaisie: les lobbies viennent à Paris pour défendre l’huile de palme
Une délégation malaisienne est venue à Paris la semaine du 5 septembre 2016 pour défendre la controversée huile de palme. Elle veut convaincre les autorités françaises d’abandonner un projet de taxe sur ce produit qu’elle considère comme «durable».
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«J’ai confiance que les députés français ne passeront pas un texte aussi injuste pour l’huile de palme, (…) cela affecterait vraiment les relations entre la Malaisie et la France», déclarait Mah Siew Keong, le ministre malaisien des Plantations cité par l’AFP. Ces propos ont été dits après une rencontre avec la discrète secrétaire d’Etat française à la biodiversité, Barbara Pompili.
Si le ministre veut tant défendre l’huile de palme, c’est que les députés s’acharnent à essayer d’introduire une taxe (depuis quatre ans) sur ce produit décrié aussi appelée «taxe Nutella». Cette huile est utilisée dans la célèbre marque de pâte à tartiner.
C’est un produit «durable» et «bon pour la santé», a défendu le ministre malaisien des Plantations. Pas avare de louanges sur l’huile de palme, le président du conseil malaisien de l’huile de palme qui l'accompagnait a lui égréné ses vertus. «300.000 producteurs», «1.000.000 de personnes» qui travaillent dans la filière ou encore 20% de la production cultivée selon des méthodes certifiées durables.
Le ministre des Plantations en a même profité pour remercier la France car la première plantation a été créée par un Français, il y a presque un siècle. «En fait, nous remercions la France car l’huile de palme produite depuis 1917 en Malaisie a beaucoup fait pour sortir les agriculteurs de la pauvreté au cours du siècle passé.» Il parle en fait de l’écrivain Henri Fauconnier, lauréat du prix Goncourt en 1930 pour son roman… Malaisie.
Il s’agit en tout cas d’un produit vital pour l’économie du pays. L’huile de palme représente la première exportation de la Malaisie (deuxième exportateur mondial après l’Indonésie).
A quoi sert l’huile de palme ?
L’huile vient d’une espèce de palmier et est extraite des fruits (ils sont jaunes, ou rouges). Ces palmiers poussent dans des régions près de l’équateur. L’Indonésie et la Malaisie cultivent 85% de la production mondiale.
Son principal avantage réside dans son très faible coût. Elle est très utilisée dans l’agro-alimentaire et permet par exemple à la célèbre pâte à tartiner d’avoir son aspect onctueux.
Question santé, les conséquences de cette huile sont plus discutées. Le site Santé magazine cite deux médecins qui ont deux visions différentes du produit. Le premier, Pr Patrick Tounian, spécialiste en nutrition pédiatrique, pense que «l’huile de palme n’est pas un poison ou un toxique. L’acide palmitique qu’elle contient représente même 23% des graisses du lait maternel dont elle est un des deux principaux acides gras. L’huile de palme n’est donc pas un danger pour l’homme, encore moins pour les enfants !»
Un avis non partagé par son collègue, le Dr Jean-Michel Cohen, nutritionniste : il faut «préférer les produits qui contiennent des huiles d’olive, de colza, de tournesol… (…) à ceux à base d’huile de palme, ce qui augmente la proportion d’acides gras saturés.»
Danger pour l’environnement
En revanche, le débat sur son impact environnemental est beaucoup plus clair. Selon la Commission européenne, l’huile de palme est trois fois plus négative pour le climat que les énergies fossiles.
La raison: les palmiers sont plantés souvent à la place de forêts rasées et provoquent des déforestations massives. Chaque année, Singapour devient irrespirable pendant plusieurs jours voir semaines à cause de ces cultures.
La méthode très simple mais néanmoins dévastatrice utilisée par les cultivateurs indonésiens est celle du brûlis. Des feux gigantesques sont allumés qui détruisent toute la faune et la flore d’un territoire pour y planter, à la place, ces fameux palmiers.
En venant à Paris, la délégation veut s’assurer que la France ne deviendra pas le premier pays européen à instaurer une taxe sur l’utilisation de l’huile de palme. Le député Nicolas Dhuicq (Les Républicains) relève les pressions des deux principaux producteurs mondiaux. L’Indonésie a agité des menaces de «rétorsions économiques, notamment sur des achats d’Airbus et de satellites». Reste à savoir si la France réussira à résister à ces intimidations.
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